vendredi 1 mai 2009

La crainte est plutôt pour l'hiver prochain ... mais le comportement d'un virus est toujours imprévisible

Fabrice Carrat est spécialiste de la grippe et de la modélisation des épidémies. Il est chercheur au sein de l’équipe Epidémiologie, système d’information, modélisation (Université Pierre et Marie Curie (Paris) - INSERM). Il répond aux questions sur l’épidémie de grippe liée au virus porcin H1N1.

Avec le Sras et la grippe aviaire, les yeux étaient tournés vers l’Asie, considérée comme la source probable de nouveaux virus pandémiques. Etes-vous surpris de voir qu’aujourd’hui la menace potentielle vient du Mexique ?

Fabrice Carrat : Si l’Asie est considérée comme le site privilégié pour l’émergence de nouveaux virus à cause de la promiscuité entre les humains et les animaux d’élevage, il n’y a pas de raison pour que cela ne se produise pas ailleurs. Ce modèle semble pouvoir aussi s’appliquer à d’autres régions du monde, comme au Mexique. Par ailleurs, avant que la grippe aviaire suscite la crainte d’une grippe pandémique, on a toujours pensé que le porc, qui héberge des virus grippaux porcins, aviaires et humains, était le "laboratoire" d’où sortirait la prochaine pandémie mondiale de grippe.

Les informations dont on dispose à l’heure actuelle permettent-elles de savoir, grâce aux modèles épidémiologiques, comment la dissémination de ce virus H1N1 peut évoluer ?

Non. Aujourd’hui on ne sait presque rien, à part que le virus se transmet bien d'homme à homme et que toute la population est sensible à ce nouveau virus. On suppose qu’il se transmet de la même façon qu’un virus de grippe classique, avec une période de latence et d’incubation comparable mais nous n’avons pas de données précises. Au Mexique ce sont surtout des jeunes qui ont été touchés mais cela ne signifie pas forcément grand-chose : n’est-ce pas représentatif de la population mexicaine ? Pour l’instant, très approximativement, il semble que l’évolution du nombre de cas à Mexico ait un profil peu différent de celle d’une grippe classique dans une population qui serait sensible au virus. L’OMS et les CDC américains ont mobilisé leurs équipes spécialisées dans la modélisation de la grippe afin d’en savoir plus.

L’arrivée de l’été dans l’hémisphère nord peut-elle ralentir l’avancée du H1N1 et faut-il craindre sa résurgence l’hiver prochain ?

Ce n’est pas si simple. Il est vrai qu’en Europe la grippe est saisonnière et frappe l’hiver, de novembre à mars. Ces apparitions et disparitions des virus grippaux demeurent en grande partie inexpliquées. Il peut se produire des cas d’épidémies localisées pendant l’été et lors des précédentes pandémies, la vague ne correspondait pas forcément à la saisonnalité de la grippe. Il n’y a donc pas de raison de penser que ce facteur de saisonnalité empêche le nouveau virus de continuer à se diffuser.

Pourrait-on avoir l’hiver prochain deux virus grippaux en circulation, le virus saisonnier et le nouveau H1N1?

En effet on peut imaginer que les deux virus circulent l’hiver prochain. Ce qu’on peut craindre c’est que le virus H1N1 saisonnier, qui est résistant aux antiviraux, dont l’oseltamivir (Tamiflu), circule en même temps que le nouveau virus porcin et que ce dernier acquiert une résistance.