jeudi 21 mai 2009

Premières « estimations » chiffrées sur la contagiosité et la létalité du nouveau virus A (H1N1)

Virologistes, épidémiologistes et spécialistes de santé publique du monde entier tentent de déterminer quelles sont, à ce stade de l’épidémie, la contagiosité et la létalité du nouveau virus A (H1N1). Les experts de l’OMS ont publié le 11 mai 2009 sur le site Internet de l’organisation une première évaluation (1). Selon celle-ci :

- La vulnérabilité de la population mondiale à cette infection doit être très élevée puisqu’il s’agit d’un nouveau virus jamais observé chez l’homme ou l’animal.
Ce sont, pour l’instant, les sujets les plus jeunes qui paraissent les susceptibles d’être infectés.
- Le nouveau virus A (H1N1) semble plus contagieux que ceux de la grippe saisonnière (taux d’atteinte secondaire estimé entre 22 et 33 % contre 5 à 15 % pour la grippe saisonnière).
- Si la mortalité actuelle de l’infection paraît faible, tout au moins en dehors du Mexique, il faut se garder de conclure car des mutations ou des facteurs environnementaux pourraient venir modifier rapidement le tableau.

Une équipe d’épidémiologistes nous propose dans la revue Science une vision plus chiffrée de la gravité de cette nouvelle grippe (2).

Christopher Fraser et coll. ont basé leur évaluation sur les données établies au 5 mai 2009 (23 000 cas au Mexique). Schématiquement, pour connaître le taux de mortalité de l’infection ils ont débuté leur travail par une estimation du nombre de cas réel au Mexique le 5 mai. Pour le déterminer ils se sont fondés sur les cas diagnostiqués dans les autres pays du monde dont le nombre leur paraissait plus proche de la réalité que celui déclaré par les autorités mexicaines. Le nombre de nouvelles grippes A (H1N1) rapportées dans les différents pays du monde est apparu fortement corrélé à celui des ressortissants de ces pays présents au Mexique lors du début de l’épidémie. En supposant que le risque de contamination était identique chez les mexicains et chez les étrangers à la phase initiale de propagation du virus et en tenant compte du rapport entre la population mexicaine et celle des voyageurs et en prenant pour hypothèse une durée moyenne de séjour d’un étranger au Mexique d’un jour, il a été possible d’estimer à 23 000 (entre 18 000 et 32 000) le nombre de cas réel de nouvelle grippe A au Mexique à la date du 5 mai (à rapprocher des 11 357 cas suspects et 822 cas confirmés au laboratoire à cette date déclarés par les autorités du pays).

Un taux de mortalité situé entre 0,08 % … et 1,5 % !

Pour déterminer la mortalité réelle de l’affection, il « suffisait » de rapporter le nombre de décès à ce chiffre. Si l’on se base sur les morts pour lesquels la responsabilité du virus A (H1N1) a été confirmée au Mexique le taux de mortalité s’établit entre 0,08 % et 0,15 % c’est-à-dire proche de celui de la grippe saisonnière. Si au contraire on retient tous les décès déclarés comme suspects par les autorités mexicaines, le taux de mortalité serait de 0,3 à 1,5 % soit une proportion plus proche de celles des pandémies précédentes. On le voit, malgré les outils statistiques sophistiqués utilisés par cette équipe, nous sommes bien loin de disposer de chiffres précis puisque selon les donnés retenues la « mortalité » de l’affection passe de moins de 1 sur 1 000 à 15/1 000 !

Une haute transmissibilité

Pour déterminer la contagiosité du virus, Fraser et coll. ont fondé leurs estimations sur l’évolution de l’épidémie dans une communauté mexicaine relativement isolée de 1 575 habitants, celle de La Gloria dans la province de Veracruz. Dans cette zone, le premier cas cliniquement apparent serait survenu autour du 15 février. Sur cette population, au 14 avril, 616 personnes avaient présenté un tableau d’infection respiratoire aiguë soit un taux d’attaque de 39 %. Ce taux estimé variait dans cette population entre 61 % chez les moins de 15 ans et 29 % au-delà de cet âge.

Il reste donc encore beaucoup d’incertitudes sur la gravité réelle de cette nouvelle grippe. Nous en saurons sans doute davantage dans quelques jours quand nous pourrons travailler sur les données plus précises provenant des Etats-Unis où le nombre de cas et celui des décès imputables à la maladie sont indiscutablement plus fiables (selon les chiffres actuels la mortalité se situerait aux Etats-Unis autour de 1 pour 1 000 cas déclarés). Mais il restera alors toujours une incertitude majeure portant sur les capacités d’évolution de ce virus. Il pourrait revenir sous une forme plus létale après son passage dans l’hémisphère sud comme celui de 1918, devenir un peu plus pathogène au deuxième passage comme celui de 1957 ou rester relativement bénin lors de la deuxième vague à l’image du virus de la pandémie de 1968.

1) Evaluation de la gravité d’une pandémie de grippe. Site de l’OMS (http://www.who.int/csr/disease/swineflu/assess/disease_swineflu_assess_20090511/fr/index.html)
2) Fraser C et coll. : Pandemic potential of a strain of influenza A (H1N1) : early findings. Science 2009 ; publication avancée en ligne le 11 mai 2009 (10.1126/science.1176062).