mardi 19 mai 2009

Les virologues très pessimistes

Réunis à Helsinki, les experts internationaux n'écartent pas des scénarios très inquiétants.


«La menace du H1N1 est sérieuse. Le virus a trois options. Soit il pourrait disparaître spontanément, mais je ne suis pas convaincu que cela puisse être le cas. Il pourrait aussi entraîner une pandémie “douce” comme la grippe asiatique de 1957-1958», estime Albert Osterhaus, virologue de l'université de Rotterdam. La grippe asiatique de 1957-1958 avait tué entre 1 et 4 millions de personnes. À titre de comparaison, la grippe saisonnière tue entre 250 000 et 500 000 personnes chaque année. Albert Osterhaus s'exprimait au Congrès européen de microbiologie clinique et des maladies infectieuses qui s'est tenu dimanche à Helsinki. C'est lui qui le premier avait montré que le virus de la grippe aviaire pouvait se transmettre à l'homme.

«Dans un troisième scénario catastrophe, continue le Pr Osterhaus, nous aurions une grave pandémie, similaire à la grippe espagnole, qui pourrait provenir de la mutation du virus.» Cette analyse rejoint celle de nombreux spécialistes : en effet, des mutations ponctuelles pourraient aggraver la virulence du virus, sa multiplication cellulaire, voire son adaptation à l'hôte humain, ou provoquer des recombinaisons d'éléments génétiques entiers pouvant aboutir à des transmissions plus faciles et à des symptômes plus graves.

Pour le Pr Javier Garau, de l'université de Barcelone, également orateur à Helsinki, la vitesse de transmission du virus H1N1 est légèrement plus grande que celle d'un virus de grippe normal : chaque individu contaminé transmet la maladie à 1,4 ou 1,6 personnes. Les estimations des épidémiologistes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), publiées lundi 11 mai dans Science, chiffrent à 23 000 le nombre de Mexicains infectés par le H1N1 depuis la fin du mois d'avril, avec une mortalité moyenne de 0,4 %. Rappelons que le virus pandémique de 1918-1920 qui avait provoqué 20 millions de morts, n'avait tué «que» 1 à 2 % des sujets infectés.

Nouveau foyer autonome au Japon

Autre élément inquiétant : le virus touche surtout des adultes jeunes en bonne santé. Ce qui suggère que les seniors ont une forme d'immunité (même atténuée) liée à des expositions passées à des virus similaires, absente chez les jeunes. Exemple : dans le village mexicain de La Gloria, dans la région de Vera Cruz, le taux d'attaque du virus est deux fois plus important chez les enfants de moins de 15 ans que chez les adultes.

Les virologues réunis à Helsinki se sont aussi accordés à conclure que même si un vaccin contre le seul H1N1 peut être produit, son efficacité en cas de modification génétique importante d'ici à novembre prochain pourrait être remise en cause. Conclusion du Dr Osterhaus : «Nous devons améliorer notre capacité de production de vaccins grippaux. Les estimations des doses disponibles actuellement sont de l'ordre du milliard. Mais avec une population de 6,7 milliards d'êtres humains, c'est clairement insuffisant».

Dimanche, pour la première fois, le Japon a déclaré 80 cas confirmés et le virus est également présent en Inde et en Turquie.

Ce nouveau foyer autonome rapporté par les autorités japonaises a fait monter la tension ce week-end à Genève. En effet, s'il s'agit bien d'un foyer prouvé de transmission (non lié à des voyages) dans une région autre que le continent américain, la situation japonaise aurait dû, selon les critères de l'OMS, faire relever le niveau d'alerte à son maximum (phase 6) annonçant l'apparition de la première grande pandémie grippale du XXIe siècle.

Pourtant, lundi devant l'assemblée annuelle des 193 États membres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la directrice Margaret Chan a déclaré s'en tenir au niveau d'alerte actuel (phase 5).