Pour ce faire, l'Etat passerait une commande de 100 millions de doses de vaccin contre la grippe A (H1N1) à trois groupes pharmaceutiques: GlaxoSmithKline, Sanofi et Novartis, précise le journal. Les premières doses de ce vaccin en cours de préparation pourraient être disponibles dans un délai de quatre à six mois, soit au milieu de l'automne, a annoncé le groupe Glaxo il y a deux semaines. "C'est à l'automne que l'on saura exactement comment évolue ce virus", déclare un porte-parole du ministère de la Santé au JDD. "Nous nous appuierons sur trois piliers : les masques, les antiviraux et les vaccins."
Dans un tel schéma, médecins et infirmières seraient réquisitionnés. Les entreprises, les administrations, les écoles, les crèches seraient également sur le pied de guerre. Et selon le professeur Anne Laude, codirectrice de l'Institut droit et santé à l'université Paris-V-Descartes, "personne n'aurait le droit, sauf dans le cas d'une contre-indication médicale, de refuser de se soumettre à une telle vaccination. S'y soustraire à titre individuel, ce serait prendre le risque de contaminer autrui". Dans la pratique, pour enrayer une épidémie, les spécialistes considèrent qu'il suffit de vacciner 70 à 75 % de la population. Ce qui laisserait une marge de liberté aux plus récalcitrants... Avant d'arriver à une telle situation, les autorités pourront également choisir de cibler des publics particuliers.
Vaccination obligatoire : décision à l'automne
Les traumatismes laissés par plusieurs crises sanitaires successives, du sang contaminé à la canicule en passant par la vache folle, ont rendu les politiques d'une très grande prudence. "Depuis 1993 nous avons mis en place un groupe d'experts qui n'a jamais cessé de travailler sur le sujet de la grippe, nous étions déjà les mieux préparés à une pandémie de grippe aviaire, explique Jean-Claude Manuguerra, virologue à l'Institut Pasteur, la France a, par ailleurs, une tradition jacobine et centralisatrice qui facilite la mise en pace d'un système de prévention efficace."
La communication autour d'un tel programme de vaccination de masse ne sera pas simple. "Nous jouons la transparence, explique un porte-parole du ministère de la Santé, mais c'est à l'automne que l'on saura exactement comment évolue ce virus". La vaccination, lorsqu'elle devient obligatoire, n'est pas un acte anodin, soulignent tous les experts. Il faut évaluer le bénéfice de la mesure au regard des risques éventuels. Les accidents, certes peu fréquents pour ce type de vaccin, existent toujours. "Dans ce genre de domaine, on n'est jamais assez prudent", réplique un proche du président de la République. La décision politique balance toujours entre deux risques : celui de pêcher par excès de précaution, quitte à paniquer la population, et celui de ne pas être prêt à temps. Entre les laboratoires, les autorités sanitaires et le virus, une course contre la montre est lancée.
26 cas en France et 14 en cours d'investigation
Le britannique Glaxo, le français Sanofi et le Suisse Novartis ont déjà annoncé avoir reçu des commandes massives pour le vaccin contre la grippe A. Le groupe britannique a dit le 15 mai que la France avait commandé 50 millions de vaccins. Information confirmée samedi après-midi par le ministère de la Santé. De son côté, Sanofi a déclaré lundi dernier avoir reçu des commandes des Etats-Unis, soulignant que cette demande était la première d'une longue série. Novartis a signé un contrat avec la Grande-Bretagne et en attend d'autres.
Mise au point du ministère de la Santé.
La vaccination obligatoire de tous les Français n'est pas envisagée. Le ministère rappelle en effet que la grippe A a fait une centaine de morts dans le monde sur les 15 000 cas détectés. Un chiffre important mais pas comparable avec les 500 000 morts causés chaque année par la grippe traditionnelle. En clair, il serait disproportionné de vacciner toute une population pour un virus si peu virulent.
La France ne prendrait par ailleurs pas seule une telle décision.
Elle devrait attendre les recommandations formelles de l'Organisation mondiale de la Santé qui ne viendront pas avant fin août. Pour une raison simple : on ne sait pas aujourd'hui à quoi va ressembler le virus de demain.
L'hiver, la saison de la grippe, débute en ce moment dans l'hémisphère sud. Tout va donc se jouer dans les semaines qui viennent. Soit le virus garde sa forme actuelle, avec une "forte propagation et faible dangerosité", soit il devient plus agressif en se recombinant avec le virus aviaire par exemple, et dans ce cas-là un plan de bataille adapté pour protéger tous les Français sera envisagé.