L’Organisation mondiale de la santé (OMS) prend son temps avant annoncer la première grande pandémie du siècle, cédant à la pression d’un certain nombre de ses membres. Le nombre de cas diagnostiqués progresse à vive allure depuis une semaine et atteint désormais 10 243 personnes dans 41 pays — les Etats-Unis, le Canada et le Mexique continuant de porter le plus lourd fardeau. Toutefois, cette dernière poussée du virus d’un type inédit A (H1N1) est particulièrement sensible au Japon où le nombre de malades répertoriés atteint désormais 210 personnes. L’archipel nippon est devenu la deuxième région du monde la plus affectée. Mais l’OMS assure toujours n’avoir pas de preuves qu’il s’agisse d’un foyer autonome de transmission entre humains. Si tel était le cas, elle devrait selon ses critères activer la sixième et dernière phase d’alerte de son échelle annonçant une pandémie.
Cette prudence soudaine étonne, d’autant que l’organisation s’était montrée particulièrement prompte à activer les précédentes phases d’alerte pandémique. Quelques jours à peine après l’annonce de l’existence d’un virus mêlant des origines porcines, aviaires et humaines au Mexique, l’OMS avait activé sa phase 4 d’alerte signalant l’existence d’une transmission entre humains d’un virus d’origine animale. Deux jours plus tard, le 29 avril, elle n’avait pas hésité à déclencher le niveau 5, signifiant qu’une pandémie était “imminente”. Cette décision était basée sur le fait que la transmission entre humains était avérée dans deux pays d’une même région: les Etats-Unis et le Mexique. Depuis, elle dit attendre l’apparition d’un nouveau foyer autonome dans une autre région du monde pour passer à son dernier niveau.
Sans cesse interrogée depuis lundi, la directrice générale de l’organisation Margaret Chan a fait comprendre que cette fois elle voulait prendre son temps. “Nous sommes tous sous pression pour prendre des mesures urgentes”, a-t-elle expliqué devant les 193 membres de l’OMS réunis à Genève pour leur grande assemblée annuelle. Mais “nous devons avertir les gens quand c’est nécessaire et les rassurer quand c’est nécessaire”, a-t-elle insisté, précisant que l’organisation en restait pour l’instant à la phase 5. “La plupart des cas que nous voyons (au Japon) se trouvent dans une école”, s’est-elle encore justifiée mardi devant la presse. “Il y a peut-être des cas pour lesquels nous ne sommes pas capables de faire le lien avec des patients, mais ce n’est pas inhabituel”, a-t-elle assuré, relevant que la situation était identique au Royaume Uni et à New-York. Or les cas new-yorkais avaient motivé en très grande partie le passage à la phase 5. Après quelques explications embrouillées, Mme Chan a fini par reconnaître qu’elle avait “écouté” l’appel de certains ministres de la Santé. Soutenu notamment par la Suisse, le Japon, la Chine, le Brésil, le ministre britannique Alan Johnson lui avait demandé lundi de ne pas se précipiter. “Je pense que vous avez besoin de plus de temps” pour étudier le passage à l’alerte 6, avait-il déclaré disant craindre un mouvement de panique parmi la population après une telle annonce. Au final, la critique porte essentiellement sur le système d’alerte de l’OMS qui, comme l’organisation ne cesse de le répéter, illustre uniquement la portée géographique de l’épidémie sans un mot de sa sévérité. Un tel système est, de l’avis de ces pays, porteur de confusion et nécessite au plus vite des modifications.