jeudi 7 mai 2009

L'Afrique tente de conjurer le spectre de la "grippe mexicaine"

Même s'ils sont pour l'instant épargnés par le virus A (H1N1), les pays africains prennent des mesures pour prévenir une épidémie de "grippe mexicaine" sur leur continent, déjà ravagé par le SIDA et le paludisme et où les systèmes de santé sont beaucoup plus fragiles que dans les pays du Nord.

On ne recense aucun cas confirmé de grippe A (H1N1) en Afrique, où les autorités sanitaires ont renforcé la surveillance dans les aéroports et aux postes-frontières. Si les scénarios les plus pessimistes se réalisent, la maladie pourrait faire de très nombreux morts sur le continent.

Environ 22 millions de personnes vivent avec le virus du SIDA en Afrique sub-saharienne, et seraient particulièrement vulnérables à la maladie en raison de la faiblesse de leur système immunitaire, notamment en zone rurale où les infrastructures de santé sont peu développées. "Les personnes vivant avec le VIH/SIDA seraient très affectées par la maladie parce que leur système immunitaire est déjà faible", souligne le Dr Sam Zaramba, directeur des services de santé en Ouganda.

La menace de la "grippe mexicaine" intervient alors que l'Afrique australe s'apprête à entamer la saison hivernale, période durant laquelle la grippe "classique" fait déjà de nombreux morts à cause notamment de la pauvreté et de conditions de vie et d'hygiène précaires.

"Pourquoi n'y a-t-il pas une mobilisation d'urgence contre les diarrhées qui tuent 2,5 millions d'enfants par an ?", demande David Sanders, professeur de santé publique à l'université du Cap-occidental, en Afrique du Sud. La grippe mexicaine est "peut-être une grande menace mais elle semble avoir déclenché une réaction hystérique", dit-il à propos de la mobilisation mondiale contre la maladie.

Les problèmes de santé sont immenses en Afrique. Près de 3.000 enfants meurent chaque jour du paludisme. Plus de 1.900 personnes sont mortes depuis janvier à cause d'une épidémie de méningite au Nigeria, Niger et au Tchad. Au Zimbabwe, le choléra a fait plus de 4.000 morts ces derniers mois alors qu'il s'agit d'une maladie qui peut être traitée facilement.

En Afrique du Sud, le pays le plus riche du continent, un millier de personnes meurent chaque jour du SIDA et davantage sont infectées par le VIH. Et certaines zones urbaines sud-africaines sont particulièrement frappées par la tuberculose.

"Nous sommes dans un pays qui fait face à plusieurs urgences sanitaires de façon récurrente et nous avons peu de ressources pour les affronter", explique Eric Goemaere, un membre de Médecins sans frontières, qui s'occupe de personnes atteintes de tuberculose et du SIDA dans un township proche du Cap. "Nous n'avons pas les moyens d'accumuler des stocks de Tamiflu quand nous avons tant d'autres priorités."

Le Burkina Faso, qui ne possède pas de stock de Tamiflu (oseltamivir), médicament recommandé pour traiter les personnes infectées par la grippe A (H1N1), a sollicité l'aide de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), souligne Ousmane Badolo, un responsable du ministère de la Santé burkinabé.

Malgré un manque de moyens, les pays africains prennent des mesures pour tenter d'empêcher une propagation de l'épidémie sur leur continent. En Zambie, les autorités ont déployé des médecins et des épidémiologistes aux postes-frontières et dans les aéroports internationaux pour assurer une surveillance 24 heures sur 24 et former les personnels aéroportuaires à la prise en charge des voyageurs suspectés d'être contaminés. Des aéroports près des célèbres chutes Victoria et de la réserve de Luangwa ont ouvert des salles spéciales réservées au dépistage de la maladie.

En Ouganda, le ministre de la Santé Stephen Malinga a annoncé mardi que tous les visiteurs arrivant dans les aéroports du pays et aux postes-frontières devraient remplir un questionnaire et que les personnes revenant d'un pays touché par la grippe mexicaine feraient l'objet d'un suivi.

En Ethiopie, le ministère de la Santé a mobilisé hôpitaux et bureaux régionaux de santé et mis sur pied un centre d'examen et une unité de quarantaine de dix lits dans le principal aéroport international du pays.

Enfin, en Afrique du Sud, où des tests se sont révélés négatifs pour deux cas suspects, les autorités comptent installer un système de détection par imagerie thermique dans le principal aéroport international du pays, pour détecter les voyageurs avec de la fièvre.