jeudi 3 septembre 2009

Quels sont les enseignements à tirer des flambées actuelles en préparation à la seconde vague

La surveillance des flambées dans différentes régions du monde donne des informations permettant de tirer des conclusions provisoires sur l’évolution probable de la pandémie au cours des prochains mois. L’OMS conseille aux pays de l’hémisphère Nord de se préparer à une seconde vague de propagation pandémique. Les pays des régions tropicales, où le virus pandémique est arrivé plus tard, doivent également se préparer à une augmentation du nombre des cas.

Les pays dans les régions tempérés de l’hémisphère Sud doivent rester vigilants. Comme l’expérience l’a montré, des «points chauds» localisés de transmission accrue peuvent continuer d’apparaître après que le pic de la pandémie a été dépassé au niveau national. Les indications provenant de multiples sites de flambées démontrent que le virus pandémique H1N1 s’est installé rapidement et qu’il est devenu la souche grippale dominante dans la plupart des régions du monde. Le virus continuant de se transmettre dans les populations sensibles, la pandémie va persister dans les prochains mois. La surveillance rigoureuse des virus par un réseau OMS de laboratoires montre que les souches de toutes les flambées demeurent pratiquement identiques. Les études n’ont pas détecté de signes de mutation vers une forme plus virulente ou plus mortelle. De même, le tableau clinique de la grippe pandémique reste largement homogène dans tous les pays. Dans leur immense majorité, les patients continuent d’avoir une maladie bénigne. Bien que l’infection par ce virus puisse prendre des formes graves, voire mortelles, aussi chez les jeunes normalement en bonne santé, le nombre de ces cas reste faible.

Populations nombreuses sensibles à l’infection

Malgré ces tendances encourageantes, un très grand nombre de personnes restent sensibles à l’infection dans tous les pays. Même avec le maintien du tableau clinique bénin actuel, la pandémie pourrait avoir un impact plus grave au cours de la seconde vague, en raison du plus grand nombre de cas. Le problème le plus urgent auquel les services de santé risquent d’être confrontés sera de placer de nombreux patients sévèrement atteints en soins intensifs. Ces services pourraient alors être submergés et se retrouver dans l’impossibilité de soigner d’autres malades.

Surveillance des pharmacorésistances

Jusqu’à présent, on n’a détecté à l’échelle mondiale que quelques virus pandémiques résistants à l’oseltamivir, malgré l’administration de millions de traitements antiviraux. Tous ces cas ont fait l’objet d’enquêtes approfondies et l’on n’a pas documenté à ce jour de transmissions ultérieures de ces virus pharmacorésistants. La surveillance intensive se maintient, également au niveau du réseau de laboratoires de l’OMS.

Une grippe différente de la grippe saisonnière

Les données actuelles montrent des différences importantes entre le tableau clinique signalé pour la grippe pandémique et celui de la grippe saisonnière habituelle. La pandémie affecte en général des groupes d’âge plus jeunes. Cela est vrai de ceux qui sont le plus souvent infectés et, en particulier, de ceux qui présentent des atteintes graves ou mortelles. Jusqu’à présent, les cas les plus graves et les décès ont concerné des adultes de moins de 50 ans alors que, chez les plus âgés, les décès sont relativement rares. Cette répartition en fonction de l’âge tranche nettement avec celle de la grippe saisonnière, pour laquelle 90% des cas graves ou mortels surviennent chez les plus de 65 ans.

Insuffisance respiratoire sévère

Fait peut-être le plus significatif, les médecins du monde entier signalent une forme très grave de la maladie, également chez des jeunes par ailleurs en bonne santé, que l’on observe rarement avec la grippe saisonnière. Chez ces patients, le virus infecte directement les poumons et entraîne une insuffisance respiratoire sévère. La survie de ces malades dépend alors de soins spécialisés très lourds, en unités de soins intensifs, nécessitant en général des hospitalisations longues et coûteuses. Au cours de l’hiver austral, plusieurs pays ont constaté que les besoins en soins intensifs ont été la plus lourde charge à assumer par leurs services de santé. Dans certaines villes de ces pays, la proportion des cas hospitalisés devant être mis en soins intensifs a atteint près de 15 %. Les mesures de préparation doivent anticiper cette demande accrue sur les unités de soins intensifs qui, autrement, risquent d’être submergées par le brusque afflux d’un grand nombre de cas graves.

Groupes vulnérables

Tous les pays ont régulièrement mis en évidence une augmentation du risque pendant la grossesse. Ce point a d’autant plus d’importance que ce virus montre une prédilection pour les populations jeunes. Il ressort toujours des données à notre disposition que certains états pathologiques accroissent le risque de maladie grave ou mortelle: pneumopathies, dont l’asthme en particulier, maladies cardiovasculaires, diabète et immunosuppression. En anticipant les conséquences de la pandémie et l’accroissement du nombre de personnes infectées, les responsables de la santé doivent garder à l’esprit que nombre de ces affections sont devenues bien plus fréquentes au cours des dernières décennies, développant d’autant le réservoir de sujets vulnérables. L’obésité, souvent constatée dans les cas graves et mortels, est devenue une épidémie mondiale. Selon les estimations de l’OMS, il y a dans le monde plus de 230 millions d’asthmatiques et plus de 220 millions de diabétiques. De plus, on ne considère pas en général l’asthme ou le diabète comme des maladies mortelles, notamment chez l’enfant ou le jeune adulte. Le fait que des jeunes se mettent à mourir de ces maladies à cause de l’infection à virus H1N1 sera peut être une autre des conséquences de la pandémie.

Risque accru d’hospitalisation et de décès

Plusieurs études ont montré un risque plus élevé d’hospitalisations et de décès chez certains groupes, notamment les minorités et les populations autochtones. Dans certaines situations, le risque peut alors être multiplié par quatre ou cinq par rapport à l’ensemble de la population. Bien qu’on n’en connaisse pas exactement les raisons, des explications possibles pourraient être un niveau de vie plus faible et un état sanitaire général moins bon, avec une forte prévalence de maladies comme l’asthme, le diabète et l’hypertension.

Conséquences pour les pays en développement

Toutes ces observations vont probablement prendre de l’importance à mesure que la pandémie s’installe dans les pays en développement, où des millions de personnes vivent dans le dénuement et ont de multiples problèmes de santé, avec peu d’accès aux soins de base. Comme beaucoup de données sur la pandémie proviennent pour l’instant de pays riches ou à revenu intermédiaire, il faudra surveiller attentivement l’évolution de la situation dans les pays en développement. Le même virus qui entraîne des perturbations gérables dans un pays riche pourra avoir des effets dévastateurs dans de nombreuses régions en développement.

Co-infection avec le VIH

La pandémie de grippe 2009 est la première depuis l’apparition du VIH/sida. Selon les premières observations de deux pays, la co-infection n’augmenterait pas le risque de maladie grave ou mortelle, dans la mesure où ces patients sont sous antirétroviraux. Dans la plupart des cas, l’infection à virus H1N1 a été bénigne et les malades se sont totalement remis. Si ces premières observations se confirment, elles sont rassurantes pour les pays où il y a une prévalence du VIH et où la couverture des traitements antirétroviraux est bonne. Selon les estimations actuelles, il y a dans le monde 33 millions de personnes vivant avec le VIH/sida. L’OMS estime que, fin 2008, environ 4 millions d’entre eux bénéficiaient d’un traitement antirétroviral.