jeudi 17 septembre 2009
Comment le virus A (H1N1) tue de jeunes adultes sains ?
• Comment meurt-on d'une grippe A (H1N1) ?
Chez le sujet sain, les complications de la grippe sont surtout d'ordre pulmonaire. Le virus peut induire des pneumonies, avec risque de détresses respiratoires aiguës. «Elles nécessitent une réanimation lourde, comme l'ont décrit nos collègues en Australie et en Nouvelle-Zélande» , précise le Pr Jean-Philippe Derenne, pneumologue et coauteur de l'ouvrage Grippe A (H1N1). Tout savoir, comment s'en prémunir, à paraître le 23 septembre chez Fayard. Une étude britannique confirme que le virus pandémique H1N1 est capable d'infecter profondément les cellules pulmonaires, contrairement à celui d'une grippe saisonnière, qui se fixe surtout sur les voies aériennes supérieures (nez, gorge). La grippe A (H1N1) peut aussi se doubler d'une pneumonie bactérienne, notamment à pneumocoques, potentiellement mortelle malgré les antibiotiques.
• Les formes graves sont-elles propres au H1N1 ?
«Toutes les grippes peuvent engendrer des formes graves chez des individus en pleine santé, rappelle le Pr Claude Hannoun, virologue, auteur de La Grippe, ennemie intime (Éd. Balland). Ces complications sont rares dans les épidémies saisonnières, plus habituelles lors des pandémies.» Tous les virus pandémiques n'ont cependant pas la même gravité pour les poumons. «Les pneumopathies virales ont été plus fréquentes en 1918 et en 1957 qu'en 1968, poursuit le Pr Hannoun. Le H1N1 de 2009 semble être dans la fourchette haute.» De façon exceptionnelle, ces virus pandémiques sont aussi susceptibles d'entraîner la mort par atteinte cérébrale (encéphalite).
• Peut-on prédire qu'un sujet est atteint d'une grippe «maligne» ?
Pas vraiment. Selon le Pr Derenne, «aucune publication n'a encore mis en évidence de particularité prédisant la survenue de complications chez un individu sans antécédent». Dans le cas du patient de Saint-Étienne, le Pr Bruno Pozzetto, chef du service de bactériologie de l'hôpital, estime que le décès résulte d'une réponse inadaptée de son organisme. «Il est possible, voire probable, que le sujet ait eu un petit dysfonctionnement de son système immunitaire qui n'a pas enrayé l'infection», précise le praticien, qui évoque une «grippe maligne fulminante» .
• Une prise en charge précoce peut-elle réduire la mortalité ?
Une consultation médicale s'impose d'urgence quand apparaissent certains symptômes. «Chez l'adulte, les signes de gravité sont une gêne respiratoire ou une désaturation (baisse du taux d'oxygène dans le sang, mesurée au bout du doigt), expliquait récemment le Dr Jean-Marie Cohen, coordinateur des Grog (groupes régionaux d'observation de la grippe). Dans le cas des personnes âgées dépendantes, qui font peu de fièvre, il faut se méfier quand elles ne se lèvent plus.» Une prise en charge précoce des formes graves ne garantit cependant pas une issue favorable. L'homme de 26 ans mort dimanche à Saint-Étienne est tombé dans le coma deux heures après son admission à l'hôpital. Déjà traité par Tamiflu, il s'était rendu aux urgences à cause d'une forte fièvre et de difficultés respiratoires. Malgré l'intubation, les médecins n'ont pas réussi à le ventiler. «La plupart des patients décédés de la grippe A (H1N1) n'ont pas été traités précocement par antiviral, relève toutefois le Pr Derenne. Lors de la grippe aviaire, les malades qui avaient reçu du Tamiflu dans les 48 premières heures ont survécu, les autres sont décédés.» Actuellement, en France, le traitement antiviral n'est officiellement recommandé que pour certains groupes à risque, pas pour les adultes en bonne santé.
• Les personnes âgées sont-elles réellement moins vulnérables au virus ?
Depuis le début de la pandémie, les seniors semblent relativement épargnés, peut-être immunisés par la rencontre dans les années 1948-1950 avec une souche de virus grippal proche du H1N1 actuel. Les plus de 60 ans ne représentent que 12 % des cas mortels, selon une étude sur les 684 premiers cas fatals. En l'absence de facteur de risque, le Haut Conseil de santé publique ne les juge pas prioritaires pour le vaccin contre le H1N1. «La distribution d'âge des cas de cette grippe pandémique (…) est très voisine de celle des cas de grippe saisonnière», note cependant sur son blog le Pr Antoine Flahault. Ce spécialiste, coauteur du livre A (H1N1) Journal de la pandémie (Plon), rappelle aussi que, dans la forme saisonnière, l'origine grippale est rarement notifiée sur les certificats de décès de personnes âgées.