Le Pr. Bruno Lina, virologue et directeur du Centre national de référence de la grippe, défend la vaccination contre le virus H1N1. Un jeune stéphanois est mort de la grippe A cette semaine. Il était en bonne santé. Comment réagissez-vous ?
C'est toujours dramatique, mais la vague d'épidémie n'a pas commencé, il y en aura d'autres.
Vous menez des travaux sur le virus au sein du laboratoire P4, quelles sont les premières conclusions ?
Nous n'avons pas fini, mais on est rassuré sur un point : Le virus n'est pas virulent, mais il est très contagieux, il prend tout le monde par surprise.
Vous êtes très sévère avec les informations qui circulent sur la vaccination sur internet. Pourquoi ?
On trouve beaucoup d'inepties. On dit par exemple que le vaccin contiendra de l'aluminium, c'est faux. Il y aura deux types de vaccin, l'un avec adjuvant l'autre sans adjuvant. Sans vaccination, on n'y arrivera pas. Le vaccin sera prêt à la mi-octobre. Il faut rappeler que l'on ne se vaccine pas seulement pour soi, mais pour ne pas contaminer les autres, notamment les femmes enceintes, sujets à risque.
Le nombre de morts sera plus important qu'avec la grippe saisonnière ?
La létalité de la grippe A est à peu près la même que celle de la grippe saisonnière, mais comme elle risque de toucher 30 % de la population au lieu de 5 %, il serait étonnant que le nombre de morts ne soit pas en rapport.
Est-ce qu'on ne crée pas une psychose sur le sujet ?
Toute petite mesure est bonne pour se prémunir comme se laver les mains, éviter les poignées de main. Si on ferme des classes, c'est pour éviter une propagation rapide. Si l'épidémie est diluée dans le temps on va pouvoir accueillir les gens en réanimation, sinon, ce sera impossible. Dans l'hémisphère sud, où l'épidémie est terminée, elle a touché une personne sur 5. On a l'impression que les cas sont ponctuels aujourd'hui. Pour l'instant, on a un coup d'avance sur le virus, mais attention, quand la pandémie va arriver, chaque mort ne sera pas acceptable car ça va toucher des jeunes, des femmes enceintes. Il faut s'attendre à deux vagues, la première, à l'automne, la seconde à la fin de l'hiver.
Vous avancez l'idée que la grippe saisonnière pourrait disparaître...
Le virus H1N1 peut se substituer à la grippe saisonnière, prendre sa place. C'est ce qui a été observé en 1957 et 1968. Le virus prendrait les caractéristiques d'un virus saisonnier et ne frapperait plus les personnes jeunes mais les personnes âgées. On peut l'envisager dans deux trois ans, peut-être avant.