Une équipe américaine estime que le virus de la grippe A ne devrait pas se recombiner avec d'autres souches de grippe. La maladie ne devrait donc pas être plus dangereuse cet automne qu'elle ne l'est aujourd'hui. Il faut bien préciser les termes car une mutation est un événement fortuit qui intéresse seulement quelques parties du gène, par exemple quelques modifications dans la séquence d'acides aminés ; tandis qu'une recombinaison peut intéresser des longueurs plus grandes de gènes notamment dans un échange entre virus.
Des conclusions hâtives à partir d'une étude faites chez des furets ! A prendre donc avec beaucoup de prudence.
L'étude, publiée dans la revue scientifique en ligne PLOS Currents, avance que le virus de la grippe A (H1N1) ne mute pas en présence d'autres souches grippales. Dans le cadre de cette étude, des furets ont été infectés par trois virus grippaux, dont celui de la grippe A (H1N1). Résultat : En présence d'un animal infecté, un animal sain contracte seulement la grippe A (H1N1), et non les deux autres types de virus. "La grippe A (H1N1) a un évident avantage sur les deux autres souches de grippes saisonnières", explique le Dr Perez, directeur du programme agricole de prévention et de contrôle de la grippe aviaire, et auteur de cette étude. Ni "super-virus" ni recombinaison n'ont donc été observés. Bref, dans ces conditions, le virus ne mute pas, ce qui est une bonne nouvelle, car les autorités sanitaires craignent l'apparition d'un virus mutant dérivé du H1N1 de la grippe A qui compliquerait encore leur tâche.
Un virus dominant et contagieux
Si le virus de la grippe A ne semble pas apte à muter, l'étude montre toutefois une forte contagion de la souche. Ce phénomène s'explique par la nouveauté du virus et l'absence d'immunité des personnes infectées. Les tests effectués sur les animaux montrent également que le virus se développe beaucoup plus rapidement que la grippe saisonnière. Les résultats de cette étude sont "préliminaires". Les experts estiment que des investigations supplémentaires sont nécessaires, en particulier pour tenter d'expliquer certains décès. Le professeur Didier Roult, directeur de l'unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes à l'Université de la Méditerranée, a, en outre, un avis contrasté sur la validité de cette étude: "Les études de modélisation, telles que celle-ci, ne traduisent pas la réalité. Les éléments essentiels restent l'observation initiale et le diagnostic". Pour ce virologue, "en dix ans, aucun modèle d'étude de ce genre n'a pu prédire un pathogène émergent. Cela permet d'expliquer, pas de prévoir..."
Plus pathogène et plus contagieux que les virus de la grippe saisonnière
L'équipe de Daniel Perez et ses collaborateurs de l'Université du Maryland a en premier lieu comparé la pathogénicité et la contagiosité du virus pandémique en infectant des furets avec ce nouveau virus et une souche de virus grippal saisonnier (H1N1[A/Brisbane/59/07] ou H3N2 [A/Brisbane/10/07]). Il est apparu que si les 3 virus étaient retrouvés dans les fosses nasales des animaux infectés, la colonisation de la trachée et surtout des poumons était beaucoup plus importante avec le virus pandémique A (H1N1) qu'avec les virus saisonniers. Sur le plan anatomopathologique l'examen des poumons des animaux a montré une congestion et une infiltration inflammatoire beaucoup plus importante avec le nouveau virus. Ceci est à rapprocher des constations épidémiologiques récentes faisant état d'un risque relativement élevé de syndrome de détresse respiratoire avec cette nouvelle grippe pandémique (estimé à environ 1 pour 5 000). Ces essais ont également montré que le nouveau virus se multipliait plus vite et était plus contagieux que les virus saisonniers de comparaison.
Des co-infections sont-elles en cause dans certaines formes létales ?
Par ailleurs des essais de co-infection avec deux types de virus grippal saisonnier ont montré que celle-ci était possible et semblait aboutir à un tableau clinique plus sévère. Il serait intéressant à cet égard de déterminer si certaines des personnes décédées lors de la pandémie actuelle n'ont pas été infectées simultanément par un virus saisonnier.
La seule information rassurante issue de cette étude est qu'il ne semble pas y avoir eu de recombinaison génétique significative des souches virales lors de ces co-infections expérimentales.
Bien que ce modèle animal soit largement utilisé pour étudier la grippe humaine, il n'est cependant évidemment pas possible de conclure de ce travail que de telles recombinaisons, potentiellement à haut risque, ne surviendront pas lorsque ce ne seront plus quelques animaux de laboratoire mais des millions d'êtres humains qui seront co-infectés par deux virus grippaux, la probabilité de l'émergence de souches recombinées augmentant peut-être avec le nombre d'individus infectés...