jeudi 16 juillet 2009

75 décès de médecins généralistes en France au cours de l'épidémie de grippe A H1N1, une hypothèse réaliste !


A l'heure où on commence à mieux connaître ce virus nous pouvons nous hasarder à des projections, notamment sur la population française et les soignants qui seront en première ligne : avec une létalité de 3 ‰ la grippe A (H1N1) pourrait être responsable de 75 décès de médecins généraliste en France dans l'hypothèse où 50 % contracteraient la maladie !

Une mise au point, plus que jamais d'actualité depuis la mise en première ligne des médecins de proximité, par le Docteur Marcel Garrigou-Grandchamp du syndicat médical français Union Généraliste



Que savons-nous ?
1) Que le virus A (H1N1) aurait une létalité pour l'instant proche voire plus élevée sur la première étude américaine (1) que celle provoquée par la grippe saisonnière, mais sur des populations plus jeunes (naissance après 1957) du fait de la virulence de virus ; Marguerite Chan, Directrice général de l'OMS l'a qualifié de « subtil et sournois ». Contrairement à la grippe saisonnière qui se complique aux âges extrêmes de la vie (jeunes enfants et plus de 65 ans), la grippe A (H1N1) est responsable d'un pic de complications pour la tranche d'âge 15-65 ans (25-44 ans pour les pneumopathies graves) : ainsi une récente publication du New England Journal of Médecine (2) rapporte que si pour la grippe saisonnière les patients de plus de 75 ans représentent 51 % des décès, ils ne sont que 5 % pour la souche A (H1N1), alors que 87 % des morts de cette nouvelle épidémie ont entre 5 et 59 ans.
2) Que la contagiosité et donc la circulation du virus sont très importantes du fait de l'absence d'anticorps dans la population née après 1957 (date de la dernière épidémie avec une souche proche) et que comme en 1918 pour la pandémie de grippe Espagnole, le virus continue de circuler dans l'hémisphère nord en dépit de la montée des températures
3) Que des résistances au Tamiflu viennent d'être signalées à HongKong, au Japon et au Danemark et que son utilité reste controversée : manque de recul pour les auteurs de la revue Prescrire, mais rôle déterminant sur la contagiosité pour Antoine Flahault (directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique) « Le Tamiflu n'est pas un médicament miracle au niveau individuel mais il peut avoir un effet majeur sur le plan collectif, Il réduit la probabilité de transmission. » écrit-il sur son blog.

Le 2 juillet Roselyne Bachelot a organisé sa "grande messe" sur la grippe réunissant les représentants des médecins. Cette réunion avait été repoussée à deux reprises, la seconde fois pour cause de remaniement ministériel, pour en définitive se tenir le 2 au matin, en même temps que l'ouverture des négociations conventionnelles comme s'il y avait concurrence de leadership entre le ministère et l'UNCAM ! On y a appris qu'après le tout hôpital la médecine ambulatoire (entendez les spécialistes en médecine générale) allait se retrouver en première ligne au cours de l'été, que la France maintenait son alerte au niveau 5A, mais qu'un passage en 5B faciliterait l'action des GROG (3), et que des mesures du niveau 6 (fermeture des écoles par exemple) ont déjà été appliquées en fonction des besoins de terrain.
Côté protection des soignants et de leur famille, les médecins pourront compter sur un hypothétique vaccin (sera-t-il prêt à temps, et sera-t-il efficace ?) pour lequel ils seront prioritaires, sur leurs masques FPP2 reçus en 2007 (dans le cadre du plan grippe aviaire), qu'ils pourront se réapprovisionner et enfin sur la parole de l'Etat pour leur couverture assurancielle en cas d'exercice sous réquisition ! En effet, dans ce cadre de situation exceptionnelle les contrats d'assurances des médecins sont suspendus selon le Code des Assurances (Articles L160-6, L160-7 & L160-8) et l'Etat devrait prendre le relais dans la mesure où il est prouvé que la réquisition a été à l'origine d'un sur risque et c'est là que le bas blesse sociétés d'assurances et Etat se renvoyant la balle comme nous avons pu le constater dans le cadre de la PDS (Permanence des soins) avec des médecins victimes d'accidents matériels, corporels [voir le cas Corse et le rappel à l'Ordre du CNOM (4) au Ministère à 2 reprises à 6 mois d'intervalle !] (5) ou de plaintes mettant en jeu leur RCP (6) sous réquisition préfectorale. Le statut de COSP (7) a toujours été refusé aux médecins participant à la PDS (8), la prise en charge assurancielle de la RCP des médecins régulateurs a été obtenue de haute lutte mais celle des effecteurs (médecins se déplaçant sur le terrain) a encore vu son amendement refusé lors des récents débats pour la Loi HPST (9).

Tout ce passif n'est pas fait pour rassurer le corps médical qui risque de se retrouver en situation critique, mais les cas sporadiques de conflits assuranciels risquent eux aussi de devenir pandémiques à l'échelle de notre pays qui n'a pas su, comme le Luxembourg par exemple, légiférer de façon claire sur le sujet. Combien faudra-t-il de familles de médecins brisées pour que le législateur se préoccupe de ce problème ?

(1) « Transmission and Pathogenesis of Swine-Origin 2009 A(H1N1) Influenza Viruses in Ferrets and Mice (Maines et al.) »
(2) New England Journal of Medicine, Med 2009 ; 361, 29 juin 2009
(3) GROG : Groupes Régionaux d'Observation de la Grippe. 
(4) CNOM : Conseil National de l'Ordre des Médecins
(5) Communiqués du CNOM n°1 et n°2: « Depuis 6 mois (communiqué du 5 décembre 2007) le CNOM demande à Madame le Ministre de la Santé que l’Etat prenne en charge les conséquences financières du grave accident subi par un médecin de garde intervenant à la demande du Centre 15. »
(6) Assurance Responsabilité Civile Professionnelle 
(7) COSP : Collaborateur Occasionnel du Service Public
(8) Permance Des Soins
(9) Loi Hôpitaux Patients Santé Territoires.