lundi 20 juillet 2009

Au laboratoire P4 à Lyon des chercheurs manipulent la grippe porcine

Dans le laboratoire P4 de Lyon, réservoir unique en France des virus les plus mortels, des chercheurs tentent d'anticiper d'éventuelles mutations ou combinaisons du virus de la grippe porcine.
"Le P4 de Lyon est un outil formidable, le plus beau à l'échelle mondiale. Et il nous permet d'anticiper les éventuelles aggravations du virus H1N1", explique le professeur Bruno Lina, directeur de l'un des deux centres nationaux de référence contre la grippe, qui dirige ces travaux.
Parmi la trentaine de personnes que compte son équipe de recherche, trois ont obtenu, après trois semaines de formation, un "passeport" qui leur permet de travailler au P4, ce laboratoire hautement sécurisé en plein centre de Lyon.
Depuis un mois environ, ils ont débuté des expériences sur la grippe porcine, dans le but de comprendre comment elle développe sa résistance aux antiviraux, le Tamiflu et le Relenza.

Vu sa dangerosité, "le virus existant peut être manipulé dans des laboratoires P2 ou P3, moins sécurisés. Mais nous risquons de créer nous-mêmes des souches résistantes qui n'existent pas, et nous devons donc prendre toutes les précautions", détaille Olivier Ferraris, chercheur en virologie, qui travaille régulièrement au P4 depuis deux ans.
Avant de pénétrer dans l'espace protégé - un plateau de 200 m2 divisé en pièces de travail parfaitement ordonnées et propres -, il lui faut traverser plusieurs sas de sécurité où il doit prendre une douche et enfiler un scaphandre blanc.
Il travaille ensuite dans une atmosphère en dépression, pour éviter toute sortie d'agents pathogènes. Equipé d'un casque et d'un micro pour communiquer, il est relié au plafond par un tuyau jaune, le "narguilé", qui lui apporte de l'air sain.
Les visiteurs, dont la ministre de l'Enseignement supérieur Valérie Pécresse venue jeudi "encourager tous les chercheurs mobilisés sur le H1N1", peuvent observer les expériences depuis une coursive entourant le laboratoire où quelques fenêtres laissent entrer un peu de lumière du jour.
"Le scaphandre devient comme une peau, c'est parfois difficile à gérer mais on s'habitue", raconte Olivier Ferraris estimant qu'il y a "moins de risque de travailler au P4 que d'aller prendre le bus".
"Travailler au P4 n'est pas une fin en soi, on vient ici pour trouver des réponses à nos questions", souligne le chercheur. "Si on n'avait pas le P4, on ne s'amuserait pas à ce genre de manipulation. On attendrait que la nature fasse son œuvre, et on s'attacherait à comprendre après coup les résistances que le virus a développé".
L'équipe du Pr Lina a demandé l'autorisation du conseil scientifique du P4 pour expérimenter les conséquences d'une combinaison entre les virus H1N1 et H5N1.
L'expérience permettrait de développer des parades dans l'éventualité redoutée par l'OMS d'une association entre la grippe porcine qui se transmet facilement et la grippe aviaire qui ne se transmet pas d'homme à homme mais qui tue près de 65 % des individus contaminés.