samedi 25 juillet 2009

Les virus se moquent des frontières

Au moment ou l'on assiste, en France, à un début d'agitation médiatique de nos dirigeants, avec une visite éclair d'une meute dans un cabinet médical et une pharmacie de Limay (Yvelines), il y a de quoi être inquiet de la distance qui semble nous séparer d'une réalité pourtant bien présente dans de nombreux pays. Dont un tout proche de nous : L'Angleterre qui n'a finalement que quelques semaines d'avance sur ce qui va se passer en France, mais comme pour la crise économique on assiste à la même indifférence dubitative. Rappelons-nous des expériences passées pour ne pas être pris au dépourvu. Ouvrons les yeux cette grippe c'est sérieux, beaucoup de professionnels au mépris des critiques imbéciles travaillent sur des plans depuis des années. Une telle pandémie chaque génération de médecin n'en connaît qu'une dans sa carrière, la dernière date d'il y a 41 ans. Quand on évoque les années 1968-1969 on pense aux événements de mai, au premier homme sur la lune et on a déjà oublié une grippe qui a épuisé les soignants et fait tellement de dégâts.

Ci-dessus une consultation bien irréelle dans ce cabinet de groupe proche de la gare à Limay (Yvelines), le 24 juillet. Un premier ministre et une ministre de la santé face à une généraliste-pédiatre, qui se prêtent à un bizarre "jeux de rôles".

On peut s'interroger sur la stratégie de communication choisie au moment où l'on demande aux généralistes d'assumer l'essentiel de la charge. Confrontés en permanence au désir de ne pas créer de panique, on distille progressivement ce que tous les responsables savent. C'est dangereux car cela provoquera des mouvements de paniques, faute d'avoir su expliquer correctement au moment où il était aisé de le faire. A quelques pas de chez nous chez nos voisins anglais la situation est tout autre, comme le relate cette journaliste du Monde.

Jusqu'à aujourd'hui, quels que soient les fléaux qui menaçaient ses fidèles, l'Eglise anglicane n'avait jamais remis en cause la pratique de la communion. Depuis qu'Henri VIII s'est proclamé "chef suprême de l'Eglise et du clergé d'Angleterre", en 1531, le cérémonial est resté immuable : le pasteur propose aux fidèles, en plus de l'hostie, de boire une gorgée de vin à même le calice, qui passe ainsi de bouche en bouche. Mais la grippe A (H1N1) a eu raison de la tradition. Jeudi 23 juillet, les archevêques de Canterbury et de York ont recommandé aux 16 000 paroisses anglaises de "suspendre l'usage du calice lors de la communion". Mi-juillet, l'évêque de Chelmsford avait conseillé aux prêtres du diocèse d'Essex d'assécher les bénitiers afin de limiter les risques de contagion. A l'époque, son initiative avait rejoint la liste des excentricités quotidiennes qui rythment l'actualité de la Grande-Bretagne. Moins de quinze jours plus tard, elle a pris une nouvelle dimension.

Car entre-temps, la panique a gagné les îles de Sa Majesté.

On compte déjà 30 décès (26 en Angleterre, 4 en Ecosse) liées à la grippe A (H1N1) en Grande-Bretagne, le pays européen le plus touché par la pandémie. Pour la seule Angleterre, 840 personnes sont hospitalisées, dont 63 en soins intensifs, a annoncé le ministère de la santé jeudi 23 juillet. Et sur les sept derniers jours, 100 000 nouvelles personnes ont présenté les symptômes de la maladie. Soit presque deux fois plus que la semaine précédente qui avait également vu ce chiffre doubler. Au total, donc, ils sont à ce jour plus de 200 000 Anglais susceptibles d'avoir contracté la maladie - mais qui n'ont pas encore été officiellement diagnostiqués comme atteints par le virus.

A ce rythme, prédit Andy Burnham, le ministre de la santé, "nous pourrions voir plus de 100 000 cas par jour d'ici à la fin août". Et plus de 12 % des salariés contraints de rester chez eux en septembre, quand 30 % de la population - et 50 % des enfants - sera atteinte de la maladie. Le National Health Service (NHS), le service de santé publique, a donc été prié de se mettre en ordre de bataille pour faire face au scénario catastrophe qui se traduirait par 65 000 décès.

Dans un document de 59 pages, censé fournir "un cadre pour gérer les décès", le gouvernement a tout prévu. Il envisage de convertir en "morgues temporaires" des sites dont ce n'est pas la vocation. Il propose aussi que les pasteurs organisent des "funérailles basiques et plus courtes" que d'habitude, ceci afin d'éviter l'encombrement. Et de voir "s'il serait possible (pour les crématoriums) de travailler 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7".

La Grande-Bretagne est le pays "le mieux préparé" à la lutte contre la pandémie, martèle Gordon Brown. Mais au sein du NHS, selon un sondage réalisé par l'institution elle-même, seuls quatre travailleurs médicaux sur dix pensent être équipés pour faire face à une nouvelle hausse du nombre de patients. Et l'ouverture, jeudi, d'une "hot line" spéciale grippe A (H1N1), censée soulager des médecins généralistes débordés, ne fera pas de miracles. D'autant que les 1 500 standardistes chargés d'opérer un diagnostic par téléphone, avant d'éventuellement fournir du Tamiflu à leurs interlocuteurs, n'ont aucune formation médicale.
Quant au site internet du NHS, qui propose un service équivalent, il a connu des ratés en série pour son lancement. "Le service est momentanément surchargé et ne peut répondre à votre demande. Veuillez, s'il vous plaît, réessayer plus tard", pouvait-on lire en tentant de s'y connecter jeudi.

Ci-dessus : Roselyne Bachelot tente une démonstration du port du masque - qui tourne à la mascarade - devant François Fillon dans une pharmacie de Limay (Yvelines) le 24 juillet 2009. Attention à une mauvaise communication, cette grippe c'est sérieux.