vendredi 10 juillet 2009

Très touchée par la grippe porcine l'Argentine vit au ralenti

Plus de 100 000 personnes auraient été contaminées et 79 décès ont été répertoriés. Théâtres et écoles ont temporairement fermé leurs portes, et l'abstentéisme au travail explose.

Photo ci-contre : Les serveurs de ce café de Buenos Aires servent la clientèle avec des masques. 14% des Argentins portent un masque quotidiennement et 78% affirment se laver les mains à longueur de journée.

C'est dans une atmosphère morose que les Argentins ont célébré jeudi leur fête nationale. Au lieu de profiter du pont pour plier bagages, les Portenos, les habitants de Buenos Aires, ont prévu de rester cloîtrés chez eux par crainte du virus de la grippe A (H1N1). En quelques semaines, l'Argentine est devenue le pays d'Amérique du sud le plus touché par le virus, et le troisième au monde derrière les États-Unis et le Mexique, où est apparue la maladie, fin avril. Jeudi, le bilan officiel était de 79 morts. Les autorités ont enregistré officiellement 2 845 cas. Néanmoins selon le ministre de la Santé, Juan Manzur, plus de 100 000 personnes seraient aujourd'hui infectées, certaines de façon «dormante» et sans symptômes.

La chute des températures, conséquence de l'hiver austral, n'arrange rien. Les autorités ont fait savoir que 90 % des virus grippaux en circulation dans le pays par des personnes malades sont de type A. Le gouvernement a d'ailleurs profité du jour férié, prolongé jusqu'à vendredi, pour tenter de geler l'activité dans le pays. Le secteur bancaire a suivi : les guichets seront fermés jusqu'à lundi. Les propriétaires de théâtre avaient pris les devants en début de semaine, en annonçant leur fermeture temporaire. Désertées par les spectateurs, les salles tournaient à vide depuis plusieurs jours.

Dans les entreprises, l'absentéisme explose

La peur du virus est montée d'un cran. Selon une enquête effectuée par l'institut Livra dans plusieurs pays de la région, la proportion d'Argentins craignant d'être contaminés est passée de 22,7 % il y a deux mois, lorsque sont apparus les premiers cas, à 53,4 % aujourd'hui. Quelque 78 % des sondés déclarent se laver les mains à longueur de journée et 14 % porter un masque protecteur - de préférence aux couleurs de leur équipe préférée. Dans les entreprises, l'absentéisme explose, estimé à plus de 30 %. Il s'agit de personnes susceptibles d'être infectées, ou immobilisées chez elles pour s'occuper de proches malades ou des enfants, puisque la fermeture des écoles a été décrétée pour un mois. Le patronat est conciliant : «Mieux vaut 30 % d'absentéisme que 60 % d'infectés», a-t-il déclaré. L'impact sur le tourisme est dévastateur. La compagnie aérienne brésilienne Gol a ainsi annoncé une chute de 50 % de ses ventes de billets à destination de l'Argentine.

Plusieurs Portenos gardent toutefois la tête froide. «C'est de l'hystérie, les médias entretiennent la paranoïa», dénonce Esteban Schmidt, écrivain à Buenos Aires. Il raconte les incohérences des décisions publiques. On a fermé les écoles, mais plus de 40 000 personnes étaient massées ce mercredi dans le stade de La Plata, à proximité de Buenos Aires, pour assister à la finale de la coupe Libertadores, principal tournoi de football latino-américain. Accoutumé à travailler dans les bistrots de son quartier, Esteban Schmidt a vu tous les garçons de café arriver avec un masque sur le visage. «À mesure que les heures passaient, ils le rabaissaient, un peu comme un employé fait avec sa cravate. Et puis le masque a totalement disparu», relate-t-il en riant. Il confesse néanmoins une nouvelle habitude, celle d'user en permanence de l'alcool en gel, dont les ventes ont explosé.

Mesures fantaisistes

«L'angoisse est entretenue par la coordination inexistante entre l'État fédéral et les régions, et la communication zigzagante du gouvernement», analyse Gabriel Puricelli, du Laboratoire de politiques publiques, à Buenos Aires. Pour la première fois depuis le début de l'épidémie, le gouvernement a réuni les ministres de la Santé de toutes les provinces ce 6 juillet à Buenos Aires, afin d'unifier les mesures sanitaires. Les médecins se plaignaient de l'absence d'instructions, par exemple concernant la distribution du Tamiflu. L'objectif est d'en finir avec le chaos, chaque province, voire chaque municipalité, adoptant les mesures les plus fantaisistes. À San Isidro, une banlieue chic de Buenos Aires, le maire a ainsi interdit l'accès des centres commerciaux aux jeunes de moins de 18 ans, jugés plus vulnérables au virus.