samedi 4 juillet 2009
Et on parle maintenant de grippe canine H3N8
Depuis que la médecine est devenue institutionnelle, avant d’être médiatisée, les époques sont marquées par des pathologies emblématiques. Accompagnées parfois de découvertes scientifiques majeures. On associe la fin du 19ème siècle à la rage et le célèbre Pasteur. Mais ce qui fut maintenu sous surveillance, ce furent deux maladies acquises par contact externe, l’une, popularisée par quelques artistes qui en moururent, fut la syphilis. Quant au cholera, il causa plusieurs pandémies, avec des dizaines de milliers de morts. La vaccination et l’hygiène ont pu venir à bout de cette pathologie qu’on voit encore dans des pays pauvres et notamment le Zimbabwe présent dans l’actualité récente. La décennie 1985-1995 fut celle du Sida. Il se pourrait bien que la décennie 2005-2015 soit celle de la grippe.
On se souvient de la grippe aviaire, devenue célèbre car elle causa nombres d’épizooties de part le monde mais surtout, elle est passée de l’animal à l’homme, infectant quelques centaines de sujets. En septembre 2008, 245 décès ont été comptabilisés depuis le premier cas en 2004. A noter, aucun décès n’a été constaté dans les pays industrialisés. Par précaution, des élevages d’oiseaux ont été abattus dès lors qu’un cas était détecté. On ne souvient de ces images de Bresse, avec ces vétérinaires passant dans les pédiluves alors que la zone était devenue interdite comme s’il y avait de la radioactivité. Du coup, les autorités ont pris l’affaire en main. D’aucun nous prédisaient la catastrophe, des millions de morts causés par cette souche dénommée H5N1. Et d’immenses stock de l’antiviral tamiflu, inhibiteur de la neuraminidase et donc de la multiplication du virus, furent constitués.
2009. Comme si les virus décidaient de s’inviter au titre de mode pandémique, une nouvelle pandémie se dessine, sans qu’on puisse trop savoir la dangerosité de cette souche appartenant à au genre H1N1. Apparue au Mexique, cette grippe fut désignée comme mexicaine et aussi comme porcine, car elle affecte les porcs. Les dernières nouvelles ne sont pas forcément bonnes, ni précises. On a mentionné le cas soi-disant exceptionnel d’un Danois réfractaire au traitement par le tamiflu, tandis que selon les chercheurs du CDC, la plupart des échantillons du H1N1 sont résistants au tamiflu. C’est ce qui inquiète car cela illustre bien le gros problème lié à toute pathologie virale. Un virus, même s’il conserve des déterminants permettant de le classer, mute inexorablement. Au risque de devenir de plus en plus létal.
Dernier virus en date dont on parle mais pas trop, le H3N8. Baptisé par ailleurs virus de la grippe canine, bien qu’il ait aussi causé la mort de canards sauvages. Découvert en 2004 lors d’une course de lévriers, ce virus cause une grippe pouvant donner affecter sévèrement le chien mais sont la mortalité est jugée assez faible. Comme bien d’autres souches virales, une transmission inter espèces s’est produite, en l’occurrence du cheval vers le chien. De là à imaginer que l’homme puisse être contaminé il n’y a qu’un pas dans l’ordre des raisons. Mais l’on sait bien que la vie a ses propres règles et qu’en la matière, c’est elle qui en dernier ressort décide si l’homme sera affecté ou non par H3N8. Une chose reste certaine, depuis la transmission du cheval au chien, constatée il y a 5 ans, aucun humain n’a été pour l’instant contaminé. Le virus H3N8 reste une affaire entre vétérinaires, comme bien d’autres pathologies affectant une espèce animale. Ce virus a été trouvé dans une bonne trentaine d’Etats américains, mais il n’a pas un caractère expansif considérable. C’est surtout dans les situations de promiscuité que le virus se transmet d’un chien à un autre. Nombre de cas recensés, entre 20 et 30 milles, autrement dit une goutte d’eau pour un pays qui compte 70 millions d’amis canins. Selon les scientifiques, le virus n’est pas tant adapté que ça à l’espèce canine. Il aurait mis 40 ans pour migrer depuis le cheval, à la faveur de 5 mutations mais quelques Cassandre ne plaisent à évoquer une ou deux mutations supplémentaires pouvant faire du H3N8 une arme virale de destruction massive. Laissons plutôt ce type de raisonnement aux auteurs de science fiction. Tout en soulignant que les chiens brachycéphales seraient plus sensibles à la létalité virale selon certaines sources vétérinaires. Ce qui n’étonne pas car un virus fait son « œuvre » en fonction du terrain qui l’héberge. Cela dit, on ne voit pas en quoi le fait d’avoir un nez aplati occasionnerait une fragilité spéciale. Sauf à entendre qu’un virus tient sa virulence à deux facteurs distincts mais complémentaires et reliés, le terrain épigénétique et le profil génétique. Auquel cas, certaines races seraient moins résistantes au virus.
Pour finir cette mini recension virale, on se demandera pourquoi les virus et spécialement celui de la grippe, suscitent tant de sollicitude. La peur d’une nouvelle grippe espagnole n’est pas étrangère à ce battage médiatique. Mais sait-on vraiment comment un virus mute, se transmet, déjouant les défenses immunitaires ? Et quel est le rôle précis des virus ? On notera un abus de langage de la part des scientifiques qui prêtent aux virus soit des intentions, soit des logiques propres au règne des êtres vivants. Parler d’un virus qui est adapté à un hôte n’a aucun sens. C’est l’inverse. Le virus est un élément formel et structurel contenant un fragment de séquence génique, ADN ou ARN, capable de se répliquer mais seulement en utilisant le dispositif moléculaire des cellules hôtes. Parlons plutôt de patients adaptés pour résister et d’autres plus fragiles. La grippe saisonnière touche les sujets les plus fragiles, nourrissons et personnes âgées. La grippe A semble toucher des sujets jeunes. C’est à ce titre qu’elle inquiète car la grippe espagnole emportait également des jeunes adultes, tout en épargnant des personnes plus âgées. Sans doute immunisées en ayant été en contact avec des souches au cours de leur longue vie (selon une hypothèse des virologues) Qui sait si nous ne sommes pas touchés par des tas de virus ne causant aucune pathologie si bien qu’on ne les détecte pas. Enfin, un élément important, que l’on connaît très bien maintenant. La mortalité virale est souvent due à des surinfections. C’était le cas pour la grippe espagnole. Que de morts par pneumonies, en cette époque où on ne disposait pas d’antibiotiques, la pénicilline n’ayant été découverte qu’en 1929.
Nous voilà donc dans la décennie de la grippe. Et qui sait si cette pathologie ne va pas être accompagnées de surprenantes découvertes scientifiques, comme ce fut le cas pour d’autres pathologies dans le passé. Certes, les infections virales sont connues depuis longtemps mais les virus recèlent encore une part de mystère que pourraient lever quelques Champollion de laboratoire capables de décrypter la logique du vivant. Et sans doute de son évolution. Qui sait si les grippes ne scandent pas quelques mutations au sein d’une espèce et notamment, l’humain. La génération de 1918 fut jugée comme différente (lire Zweig et le monde d’avant) Le mode de vie urbain a-t-il eu une influence ? Que de questions irrésolues.