vendredi 4 décembre 2009

Grippe A : Coupable cafouillage français

Si on ne peut reprocher au gouvernement d'avoir, très tôt, alerter les Français sur les dangers de la grippe A (H1N1), on ne peut approuver la méthode de prévention de masse qu'il a retenue. Les interminables files d'attente observées à l'entrée des centres de vaccination rappellent la sombre époque de l'Union soviétique. Cette organisation quasi collectiviste, qui laisse dans le froid des heures durant de jeunes enfants et des personnes âgées ou malades, est indigne d'un pays dont le système de santé est pourtant vanté de par le monde.

Nicolas Sarkozy a demandé l'ouverture dominicale des centres, et deux cents médecins militaires vont être mobilisés en renfort. Même les membres de l'Académie de médecine ont proposé leurs services. Louable effort, mais Roselyne Bachelot ne rassure guère quand elle fixe à la fin du mois de février l'objectif de vaccination de la moitié des Français. À cette date, on peut penser que le virus, l'hiver aidant, aura déjà touché plusieurs millions de personnes. Bref, il sera bien tard. Et le soin pris par le ministère de la Santé pour être prêt à temps en commandant 94 millions de vaccins dès l'été dernier aura été de nul effet. On a accusé, à tort, le gouvernement d'en faire trop au début de la pandémie ; on peut aujourd'hui regretter qu'il n'en fasse pas assez pour s'adapter.

Attendons l'heure des comptes et des comparaisons. Mais dans aucun pays occidental, pareil cafouillage n'est constaté. Aux États-Unis, où l'on vaccine aussi dans les supermarchés et les aéroports, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Belgique, la mobilisation est générale. Et ne suscite pas de polémique. Pour une simple raison : partout, les médecins de ville sont autorisés à vacciner. Les explications de Roselyne Bachelot pour justifier l'exception française ne tiennent pas. Les risques de contamination entre patients dans les cabinets privés ne peuvent être supérieurs à ceux auxquels le brassage expose la population dans les centres publics. L'argument du coût est, quant à lui, hors de propos. L'habilitation des médecins libéraux multiplierait par trois le budget antigrippe A, estimé aujourd'hui à 1,5 milliard d'euros. Une facture qui aurait pu être réduite en instituant, par exemple, un dispositif forfaitaire. Quand on déclare l'urgence, on s'oblige au pragmatisme.

Yves Thréard Le Figaro le 4 décembre 2009 18h50