mercredi 16 décembre 2009

Communication sur le risque : L’apport de la recherche


La communication sur le risque a fait l’objet de très nombreux travaux de recherche, en Europe et aux USA. Si les Nord-Américains sont mus davantage par le « droit de savoir » (ayant conduit aux réglementations dites SARA, title III, site de l’Etat du Michigan, en anglais) les Européens ont une culture fondée plutôt sur le « besoin de savoir », transcrit dans les directives dites de Seveso (ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer). Une constante apparaît dans cette communication sur le risque, que nous avons évoquée à plusieurs reprises, dans notre Journal de la pandémie, c’est ce que l’on appelle le « reassurance-arousal paradox » que je traduirais par le paradoxe de la dédramatisation et de l’appel à la vigilance : « Ce risque est négligeable, mais dans l’éventualité très improbable que vous soyez concernés, voici les mesures à prendre… ».

Quatre approches ont pu être identifées dans la communication sur le risque. La première, la plus rustique, est le modèle à sens unique du « communiqué de presse » : l’expert communicateur livre son information à l’auditeur « non-expert ». La deuxième, un peu plus élaborée, est un modèle à circulation dans les deux sens ; c’est par exemple la « conférence de presse », des questions sont possibles, et même des remises en questions. La troisième est un partage des informations, dans un contexte institutionnel et culturel plus approfondi. Ici, les informations sont sur la table, chacun y a accès et peut livrer ses interprétations et ses analyses, parfois contradictoires. Aux USA, le Freedom of Information Act est une disposition légale autorisant tout citoyen américain à accéder aux données publiques non classifiées, par exemple aux bases de données brutes (anonymisées) de vaccino-vigilance. Enfin la quatrième approche, la plus aboutie probablement, est une communication considérée comme un pré-requis permettant aux groupes concernés par le risque de participer à la prise de décision. Ce sont les « conférences citoyennes », les « Etats généraux de la santé », et tous les débats d’experts largement ouverts au public qui peut y participer. On y ajoutera aujourd’hui les blogs, tels celui que nous tenons ici. Sans doute ce dernier type de communication ne peut pas être considéré comme participant à la prise de décision collective ; il participe toutefois en un sens à la décision individuelle.

Outrance ? Indécence ? On en fait trop ou pas assez ? Ces débats relancés aujourd’hui par l’INA ont été ceux de la rentrée, lorsque l’on notait un décalage frappant entre le discours officiel et la perception de la réalité par la population. Aujourd’hui ce discours est plus isolé. Certains spécialistes de la recherche sur la communication sur le risque ont avancé qu’on ne devrait pas davantage mettre en circulation une communication non validée que l’on ne met sur le marché des produits non testés (Granger Morgan, 1992). Cela-dit, je n’ai pas souvent vu pour ma part d’essais randomisés comparant différentes stratégies de communication ! L’étude de l’INA procède cependant de ce type d’évaluation qui sont utiles au débat.

Si l’on tente de résumer les deux acquis majeurs de cette science (de la communication sur le risque), on peut rappeler que les prévisions trop précises entraînent rapidement une perte de crédibilité auprès du public, et que le manque d’ouverture et de transparence entraîne une perte de confiance.

Il existe des guides de bonnes pratiques de communication sur le risque. Je ne suis pas spécialiste du domaine, et la référence que je connais date peut-être aujourd’hui (National Research Council, 1989), mais elle précisait les règles suivantes d’une communication sur le risque efficace et éthique qui me paraissent toujours d’actualité : (i) la précocité d’intervention ; (ii) son caractère continu et permanent ; (iii) son ouverture au public ; (iv) sa transparence. C’est peut-être à l’aune de ce type de critères qu’il conviendrait d’évaluer puis de juger la qualité de la communication que nous avons eue sur la pandémie depuis le mois d’avril. On constatera que la fréquence (ou l’abondance) de la communication n’y est pas associée à une évaluation défavorable, bien au contraire, puisque le second critère demande une communication continue et permanente.

Antoine Flahault