mardi 8 décembre 2009

Grippe A (H1N1) : Les pharmacies prises d'assaut en Algérie

En Algérie, l'alerte est au maximum sur la grippe A (H1N1) avec les 12 cas de décès enregistrés et la polémique commence à prendre place, alimentée, d’une part, par la panique de la population et, d’autre part, par le manque de communication et de transparence dans la gestion de cette épidémie.

Les professionnels de la santé sont les premiers à manifester leur colère contre ce qu’ils qualifient de désorganisation observée en cette période critique de cette épidémie. Les cas de grippe se multiplient et ce sont les cabinets de médecins et les pharmacies qui sont envahis par les malades qui viennent demander des traitements contre les symptômes qui ressemblent beaucoup à ceux de la grippe porcine, demandant des conseils sur les médicaments à prendre contre ou en prévention de cette maladie. Des citoyens, par précaution, l’inquiétude aidant, achètent tout ce qui peut l’être et, parfois, sans ordonnance : antibiotiques, anti-inflammatoires, des sirops contre la toux, des vitamines… De plus, il y a beaucoup de monde dans les pharmacies et il faut attendre longtemps parfois avant d’être servi.

Cependant, cette situation de rush sans précédent sur les pharmacies se conjugue avec la pénurie des médicaments qui persiste encore, et les pharmaciens signalent déjà la rupture des stocks, entre autres du gel hydro-alcoolique et du savon liquide. Il semble que les campagnes de sensibilisation menées jusque-là sur les mesures d’hygiène à respecter ont donné leurs fruits. Ces deux produits sont de plus en plus rares actuellement. Quant au port de masques, il est obligatoire pour le personnel médical. Mais cette mesure pose problème pour certains médecins qui ont remarqué la détresse des patients lorsque le prescripteur se présente en masque pour consultation. «Les gens ne sont pas habitués aux masques et le fait de le porter créé la panique chez les patients», a expliqué un pédiatre à Oran. Pour certains pharmaciens, même si cette instruction ne les concerne pas directement, ils ont opté pour le port des masques car, dira une pharmacienne, «le premier réflexe du malade lorsque les symptômes de la grippe apparaissent est de s’adresser aux officines pour demander un remède. Nous sommes en contact direct avec cette clientèle, c’est pourquoi j’ai demandé à tout le personnel travaillant à l’officine de porter ce masque et limiter ainsi la contamination. J’ai pu aussi me procurer le vaccin contre la grippe porcine pour la vaccination de mon personnel. Les risques sont importants pour rester les bras croisés. Je reçois, quotidiennement, des malades avec des symptômes de la grippe dans un état catastrophique».

Pour d’autres pharmaciens, le port du masque vis-à-vis de la clientèle est gênant au sein de la société. «Nous, en tant que pharmaciens, nous ne savons plus quoi faire. Nous ne nous sentons pas impliqués du fait que nous n’avons pas été formés sur les dispositions à prendre en cette période d’épidémie. Nous recevons les malades et nous essayons de les orienter comme il se doit». Grippe porcine ou grippe saisonnière, la confusion est déjà installée. A la moindre fièvre ou maux de tête, les gens s’affolent et s’inquiètent pour leur santé et n’attendent que l’arrivée du vaccin pour se sentir rassurés et immunisés contre le virus A (H1N1). Tous les moyens sont bons pour avoir ce vaccin qui se fait rare. A défaut, les malades ont recours au pharmacien pour demander un «paracétamol» ou de la vitamine en C espérant que la fièvre ou les maux de tête ne sont que passagers. Pour le pédiatre, un manque flagrant de moyens est observé pour la prise en charge du personnel exposé au niveau des cabinets privés. Nous n’avons pas, dit-il, été convoqués jusqu’à présent pour la vaccination. Les masques de protection spéciaux nous ne les avons pas encore et les risques de la grippe augmentent chaque jour, au point où dans un mois, les médecins ne pourront plus faire la distinction entre la grippe porcine et la grippe saisonnière car, toutes les deux auront le même degré de virulence». Son collègue, qui vient d’être muté à Tiaret, estime que si dans certaines régions, toutes les dispositions ont été prises, dans d’autres, elles ne le sont pas. Une chose est sûre, au niveau des hôpitaux des services de tri sont ouverts pour prendre en charge les cas les plus suspects. Sur l’identification de la grippe porcine, le même médecin souligne qu’il n’existe aucun symptôme pouvant différencier avec certitude les deux grippes. Nous nous basons sur l’information principale, celle de savoir si le sujet a été à l’étranger ou en contact avec des gens venus de l’étranger et notamment des Lieux Saints de l’Islam, puisque c’est la période de l’arrivée des pèlerins. Pour sa part, un spécialiste en épidémiologie et responsable de l’observatoire régional de la santé à Oran explique que «l’indicateur rassurant sur la grippe porcine est la sortie de plusieurs pays de l’Amérique latine et d’Afrique de cette épidémie. C’est un facteur positif qui indique que le taux de mortalité a été limité et la panique devrait suivre le même chemin.

Mais, à voir la désorganisation dans la gestion de cette épidémie dans notre pays, la panique ne peut que s’accentuer chez la population. Le manque d’information et de transparence est à l’origine de cette polémique. La preuve, en tant que spécialiste dans le secteur de la santé, nous n’avons aucune information sur l’arrivée du vaccin, ni quelle sera la procédure pour la vaccination. La situation est gérable et il n’y a pas lieu de paniquer s’il y a plus de transparence et plus d’ouverture. L’Algérie dispose de son stock de Tamiflu, l’anti-viral contre la grippe».

Mokhtaria Bensaâd