mardi 29 décembre 2009
L'importance des formes asymptomatiques de grippe A (H1N1) se confirme
Une étude met en évidence des anticorps chez des individus n'ayant pas consulté pour grippe.
Combien de personnes ont-elles déjà été infectées par le virus de la grippe H1N1 ? Sans doute beaucoup plus que ce que l'on croyait jusqu'à présent, si l'on tient compte des formes asymptomatiques. Dans chaque épidémie, les réactions individuelles à l'infection sont différentes, les uns souffrant de symptômes graves, voire mortels, d'autres ne présentant que très peu ou pas du tout de troubles. Dans l'épidémie actuelle liée au virus H1N1, s'il est facile de recenser les personnes atteintes d'une grippe clinique, il est plus compliqué de débusquer celles ayant été contaminées sans symptôme.
Une étude visant à doser dans le sang systématiquement les anticorps contre le virus H1N1 vient d'être conduite à Marseille chez des femmes enceintes. Les premiers résultats pour cette tranche d'âge de 20-39 ans révèlent que pour une personne ayant consulté pour grippe, quatre ont été infectées. Si l'on extrapole grossièrement ce qui n'est pas prudent, selon les experts ces résultats à toute la population, près de 20 millions de personnes en France auraient déjà été infectées par le H1N1, puisque près de cinq millions de Français ont déjà consulté pour grippe depuis septembre. Ces travaux réalisés sous l'égide de l'École des hautes études en santé publique invitent à revoir à la baisse le risque de décès lié au H1N1 et indique que désormais une part importante de la population est déjà immunisée.
L'étude sur la surveillance de la séroprévalence, réalisée par l'unité des virus émergents (université Aix-Marseille) dirigée par le Pr Xavier de Lamballerie, en collaboration avec l'Institut de veille sanitaire, vise donc à connaître l'importance de la contamination asymptomatique liée au H1N1. Dans ce but, à Marseille, 500 femmes enceintes, au premier trimestre de la grossesse, chaque semaine, se voient proposer, en même temps que la recherche de toxoplasmose ou rubéole, un test pour détecter les anticorps contre le H1N1, si elles n'ont pas été encore vaccinées. Les résultats préliminaires ont été donnés dans la revue en ligne PLoS Current Influenza, le 27 décembre.
«Cette surveillance sérologique nous a permis de constater que, pour la semaine 49 (première semaine de décembre), 10 % des femmes enceintes d'âge compris entre 20 et 39 ans présentaient des anticorps consécutifs à une infection récente par le virus pandémique H1N1, explique le Pr Antoine Flahault, cosignataire de l'étude et expert en santé publique. Le réseau de surveillance Sentinelle la même semaine montre que seulement 2 % de la population générale dans cette tranche d'âge a consulté un médecin pour grippe clinique. Cela nous permet de dire qu'il y aurait beaucoup plus de personnes contaminées que ce que mesure le réseau Sentinelle, soit parce que ces personnes n'ont pas eu ou peu de symptômes, soit parce qu'elles ont été grippées, sans consulter leur médecin.» Ainsi, dans cette tranche d'âge, sur 10 personnes ayant été infectées par le virus, seules deux ont été repérées par le système de surveillance et huit (quatre fois plus) ne l'ont pas été. «C'est beaucoup plus que dans la grippe saisonnière pour laquelle on a calculé qu'une personne sur deux est asymptomatique», ajoute le professeur Flahault.
Ces données ont été obtenues pour la tranche des 20-39 ans plus souvent infectées que les plus âgées. Néanmoins, si l'on extrapole ces chiffres à la population générale et non plus seulement aux 20-39 ans, on aboutit à 20 millions de français déjà infectés par le virus (5 millions de consultations pour grippe ont été recensées depuis le début de l'épidémie). «Il faut être très prudent et attendre d'avoir des chiffres plus précis, dont on devrait disposer bientôt, avant de faire ces extrapolations, assure le Pr Xavier de Lamballerie. Même si les données sont convergentes pour dire qu'il y a avec le H1N1 plus de formes asymptomatiques qu'avec la grippe saisonnière.»
L'Institut de veille sanitaire, dans son «Bulletin épidémiologique hebdomadaire» publié le 24 décembre avec des extrapolations différentes, estime que le nombre de personnes déjà immunisées contre le virus H1N1, soit par l'infection ou la vaccination, serait compris entre 11,2 et 18,1 millions de personnes. C'est d'ailleurs cette masse de personnes désormais immunisées qui exercerait un effet «barrage» expliquant le début de la décrue de l'épidémie.
D'autres enquêtes de séroprévalence menées aux États-Unis et en Grande-Bretagne dont les résultats vont apparemment dans le même sens devraient bientôt être publiées. Ces travaux devraient entre autres inciter à revoir nettement à la baisse le taux de mortalité attribuable au virus H1N1, et poser la question de la poursuite de la vaccination.