jeudi 10 décembre 2009

Le monde hospitalier critique la gestion de la grippe A (H1N1)

Après la colère des médecins libéraux, privés de vaccination, le monde hospitalier crie à son tour son désaccord avec la gestion de la grippe A(H1N1) par les ministères de la santé et de l'intérieur.

Le mécontentement se focalise sur la réquisition d'internes appelés à vacciner dans les centres collectifs, parfois la veille pour le lendemain, loin de leur établissement ou alors qu'ils étaient de garde, et sur la désorganisation engendrée dans les hôpitaux. Plusieurs témoignages de dysfonctionnements ont fait grand bruit, notamment celui d'un interne en chirurgie à l'hôpital Saint-Joseph à Paris, réquisitionné alors qu'il devait opérer d'urgence. Le ministère de la santé reconnaît des "couacs" dus à la montée en puissance des centres de vaccination. "Cela n'est pas acceptable", a d'ailleurs jugé la ministre Roselyne Bachelot, mercredi 9 décembre. Son entourage explique que, dans l'urgence, il a été difficile de faire coïncider les disponibilités des volontaires, internes ou autres, et les affectations. Il s'est agi d'un "problème ponctuel d'organisation, en train de s'améliorer, et non d'effectifs". Sur 20 000 internes, 10 000 se sont portés volontaires, et la plupart des 1 800 réquisitionnés en faisaient partie.

"Les problèmes se résument certes à quelques cas, mais il faut rappeler que nous travaillons dans des domaines à haut risque", estime Benjamin Chousterman, président du Syndicat des internes des hôpitaux de Paris. "Le gouvernement, mis sous pression par l'Elysée, a privilégié le préventif médiatisé au détriment des soins aux malades", lâche-t-il. Rappelant l'accord des internes pour vacciner, il reproche aux directions d'hôpitaux, aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass) et aux préfectures de se renvoyer la responsabilité d'un tel chaos. Si les choses ne s'améliorent pas rapidement avec la mise en place de référents pour gérer les plannings, et une limitation des vacations (pour vacciner) à deux par semaine, les internes refuseront de répondre aux réquisitions supplémentaires.

"Nous ne voulons pas polémiquer, mais nous estimons qu'il y a une mauvaise gestion du dispositif d'urgence", remarque la Fédération hospitalière de France, qui juge que les internes ont pour vocation de soigner les malades et non de vacciner. "Le ministère a cédé à la panique et employé les grands moyens alors qu'il aurait fallu prendre du recul", estime Christian Gatard, secrétaire général de CH-FO, qui représente les cadres hospitaliers. Selon lui, si en Ile-de-France la situation est tendue, les flux se sont vite régulés ailleurs. "Cette logique d'organisation administrée est lente et lourde, alors qu'en cas de pandémie l'imprévu est le pain quotidien", juge François Aubart, de la Coordination médicale hospitalière, ajoutant que les décisionnaires connaissent peu l'organisation qui prévaut dans les hôpitaux. Il reproche "une carence de dialogue avec les professionnels". Le 9 décembre, Mme Bachelot a rappelé les règles à respecter pour réquisitionner (choix dans les listes fournies par les hôpitaux, limitation des vacations, respect des périodes d'examens, non-mobilisation des spécialités comme la chirurgie ou la réanimation, etc.). Le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, a assuré avoir rappelé aux préfets ces bonnes pratiques. La colère actuelle est aussi le signe de la tension qui règne, plus généralement, entre le ministère de la santé et les professionnels. "La confiance est très affectée. Déshabiller les hôpitaux alors qu'ils sont submergés de travail, c'était la dernière décision à prendre", juge M. Gatard. Le tout dans un contexte de manque d'effectifs, de suppressions d'emplois et d'approche des fêtes, une période toujours tendue dans les hôpitaux.