samedi 19 décembre 2009
Cette grippe plus et moins meurtrière : Variations chiffrées sur la réalité
Saura-t-on un jour expliquer les raisons d’une cacophonie décidemment récurrente ? En France les autorités sanitaires laissent entendre que le « pic est atteint » avant que l’OMS nous informe que la France est l’un des rares pays européens où le H1N1 continue sa progression… Comment comprendre ? Seule certitude objective dans l’Hexagone, celle des chiffres de l’Institut de veille sanitaire qui, le 11 décembre, signalait 13 nouveaux décès liés au virus de la grippe en métropole en deux jours, soit 139 depuis le début de l’épidémie. Le même Institut a, en deux jours, recensé 80 nouveaux cas graves. Au total, depuis le début de l’épidémie, 710 cas graves ont été hospitalisés en métropole. Parmi ces personnes, 184 sont toujours en réanimation ou unités de soins intensifs.
Une autre comptabilité nous vient de Grande Bretagne où un travail épidémiologique officiel vient de conclure que les infections dues au H1N1 seraient associées à une mortalité moins importante que celle initialement redoutée. Publiée par le British Medical Journal, la première analyse complète (jusqu’au 8 novembre) des décès dus au nouveau virus pandémique en Angleterre conclut à un taux de mortalité de 0,026 %, soit environ un décès pour environ 3 800 infections. Ces résultats font suite au taux de 0,048 % publié il y a quelques jours par une équipe de chercheurs américains. En Angleterre près de deux tiers des personnes décédées des suites de l’infection grippale souffraient de maladies préexistantes. Ce travail conclut d’autre part que si les personnes âgées de plus de 65 ans sont moins exposées au risque de contamination celles qui sont infectées risquent plus d’en mourir.
« La première pandémie de grippe du XXIe siècle est considérablement moins mortelle que ce que l’on a pu le redouter au début » résume Sir Liam Donaldson principal conseiller du gouvernement britannique en matière de santé et responsable de cette étude menée par l’Agence britannique de protection de la santé. En toute hypothèse les auteurs expliquent que le taux de mortalité actuellement observé est nettement inférieur à celui des trois pandémies du XXe siècle : Celle de 1918 avec un taux de mortalité de 2 à 3 %, et celles de 1957-1958 et 1967-1968 (environ 0,2 %). Pour Sir Donaldson il faut peut-être compter ici avec les améliorations progressives réalisées, à l’échelon collectif, dans le domaine de la nutrition, du logement, de la prise en charge médicale et tout particulièrement de réanimation intensive.
Mais ce travail très pragmatique apporte d’autres enseignements chiffrés : Les taux de mortalité les plus bas ont été enregistrés chez les 5-14 ans et les plus élevés chez les plus de 65 ans. L’âge moyen des victimes a été de 39 ans (et le plus souvent compris entre 17 et 57 ans). La majorité d’entre elles n’aurait pas été susceptibles d’être protégées par la première phase de vaccination telle qu’elle avait été programmée en Angleterre. Plus de trois victimes sur quatre avaient reçu une prescription de médicament antiviral mais parmi celles-ci la même proportion n’avait pas pu le prendre avant les 48 premières heures de l’infection déclarée.
Conclusions de ces responsables britanniques : L’affaire est peut-être moins grave que prévu. Pour autant aucune raison de baisser la garde, notamment pour ce qui est de la vaccination des groupes à risque et de l’amélioration de l’accès le plus rapide possible aux médicaments antiviraux. Une nouvelle fois l’ambiguïté du message à faire entendre : Moins grave que prévu mais pas anodin quand même… Une vache anglaise atteinte d’une pseudo-variole peinerait durablement ici à retrouver ses veaux et ses fermières.
Il faut ici ajouter que les dernières données épidémiologiques de mortalité en provenance du Japon (une mort pour 50 000 infections) semblent fortement plaider en faveur du recours à la fois précoce et massif aux deux antiviraux antigrippaux que sont le Tamiflu (de chez Roche) et le Relenza (GlaxoSmithKline). Est-ce dire que le Japon (premier consommateur mondial du Tamiflu-Roche nous dira-t-il un jour pourquoi sinon comment ?)) aurait mieux su anticiper que les autres pays industriels ? Ou faut-il comme souvent appeler à l’aide, pour mieux comprendre, les experts en santé publique ?
Jean-Yves Nau