Entendu dans les couloirs de l’hôpital de Villeneuve St Georges : « Ce serait idiot de me faire vacciner, je suis en pleine forme ». Le premier moment d’étonnement passé, suit la réflexion : Est-ce vraiment si illogique, alors que le message est partout répété qu’il faut d’abord protéger les plus fragiles et les groupes à risques, et qu’il n’y a pas une réunion de préparation à la pandémie où la question de l’intérêt, voire de l’innocuité de la vaccination, ne soit posée ? Une seule chose semble sûre c’est qu’un jour l’épidémie éclatera, même si nombreux sont ceux qui pensent maintenant que ce ne sera pas avec l’ampleur annoncée. Que se passera-t-il alors ? Les personnels de santé vont-ils, comme se le demandait H Seale et al. dans le titre d’un travail publié dans BMC Health Serv Res en début d’année, just pack up and leave ?
Le pire n’étant jamais sûr, constatons d’abord, avec S Wicker et al., que l’absentéisme médical pourrait tout simplement être celui du reste de la communauté : 36,2 %, selon les résultats d’un questionnaire d’intention anonyme et volontaire distribué aux personnels d’un hôpital universitaire de Francfort. A l’origine de ce chiffre relativement élevé, un évident manque de confiance dans les politiques de Santé Publique et le système de santé lui même, et une communication défaillante sur les mesures de protection individuelle des personnels concernés.
Des données qui correspondent assez bien à celles de Seale et al., qui avaient eux aussi distribué des questionnaires pour évaluer les taux de confiance accordée aux stratégies de prévention anti-grippale. Passons sur le fait que plus de 80 % des interviewés considéraient la pandémie comme une menace sérieuse mais qu’un peu moins de 50 % étaient capables de la définir correctement pour remarquer que toutes les catégories de travailleurs ne réagissaient pas de manière identique, les personnels techniques s’avouant significativement moins certains de leur façon de réagir que les autres en face du danger (OR 1,43, p<0,001)
Seale concluait son article en revenant sur le (trop) faible taux de confiance accordé aux antiviraux et sur la nécessité de consacrer des sessions de sensibilisation adaptées aux personnels hospitaliers non médicaux qui, en Australie, croient trop à l’intérêt de mesures diététiques adaptées et à la prescription prophylactique d’antibiotiques ; l’hôpital, là bas, ne fonctionnera pas sans eux pendant la pandémie. Sabine Wicker allait dans le même sens, constatant que les plans de préparation à la pandémie devaient aussi tenir compte de phénomènes aussi irrationnels que la peur des travailleurs. Des remarques qui, très certainement, sont valables en France aussi.
Wicker S et coll. : Influenza pandemic: would healthcare workers come to work ? An analysis of the ability and willingness to report to duty. Bundesgesundheitsblatt Gesundheitsforschung Gesundheitsschutz 2009; 8: 862-9