lundi 12 octobre 2009

Pandémie grippale : Ce qui attend les services de réanimation

La gravité réelle de la pandémie grippale actuelle est toujours l'objet de controverse. Pour être simple deux positions s'affrontent aujourd'hui. Certains, de plus en plus nombreux, sur la base des chiffres modestes de morbidité et surtout de mortalité enregistrés ces dernières semaines dans l'hémisphère Nord, estiment, pour résumer leur pensée, que l'on a fait beaucoup de bruit pour rien (ou pas grand chose) et que les sommes considérables engagées pour prévenir la propagation de l'épidémie par une vaccination de masse auraient pu être mieux utilisées. D'autres, se fondant sur les premières données cliniques rapportées aux Etats-Unis et au Mexique et sur les précédents historiques, considèrent que ne nous ne sommes peut-être qu'à l'aube d'un phénomène de très grande ampleur. Loin des polémiques sur la pertinence de telle ou telle mesure, un article publié en ligne par le New England Journal of Medicinenous fournit des éléments chiffrés fiables pour étayer notre réflexion et surtout pour nous préparer à prendre en charge les patients les plus graves. Ce travail est le premier qui décrit de la façon la plus exhaustive possible les conséquences d'une épidémie hivernale de grippe A (H1N1) : Celle qui est survenue en Océanie au cours des mois de l'hiver austral entre juin et août 2009.

Il est en effet à relever que les études publiées précédemment concernaient les cas enregistrés au début de la pandémie dans les pays de l'hémisphère Nord c'est-à-dire en périodes printanières ou estivales qui ne favorisent pas habituellement la propagation des virus grippaux. 5 % des lits de réanimation occupés par des patients atteints de grippe. Au cours de ce trimestre d'hiver, la société australienne et néo-zélandaise de réanimation (ANZIC) a recensé 722 cas de grippe A (H1N1) confirmés biologiquement admis dans les 187 services de réanimation des deux pays. Australie et Nouvelle Zélande étant des états développés dotés d'un système de soins efficace, on peut estimer que la très grande majorité des cas de grippe A pandémiques qui auraient nécessité un séjour en réanimation ont été inclus dans ce travail. Seuls pourraient y avoir échappé, d'éventuelles formes fulminantes décédées avant l'admission ou les faux négatifs du diagnostic biologique (PCR ou sérologie). La fréquence minimum des formes graves imposant la réanimation a donc été de 28,7 cas par million d'habitants au cours de ce trimestre d'hiver en Australie et en Nouvelle Zélande. A titre de comparaison, au cours des 4 hivers précédents, les hospitalisations pour pneumonie virale en réanimation dans ces deux pays étaient 15 fois moins fréquentes (57 cas en moyenne). Au total, durant cet hiver et en moyenne, 5,2 % des lits disponibles en réanimation étaient occupés par des patients atteints de grippe A (H1N1) (avec un maximum de 19 % dans une région et durant une période). Femmes enceintes et obèses en première ligne.
Cette étude a permis par ailleurs de confirmer certains des facteurs de risque de formes graves déjà identifiés dans les publications précédentes avec une fréquence nettement majorée pour :
- les femmes enceintes (9,1 % des patients contre 1 % dans la population générale),

- les sujets obèses (28,6 % avaient un IMC supérieur à 35 contre 5,3 % dans la population générale),

- les sujets ayant des antécédents broncho-pulmonaires (32,7 %).
Par ailleurs aborigènes d'Australie et Maori de Nouvelle Zélande étaient également surreprésentés parmi ces formes graves.
Comme dans les autres séries publiées, la très grande majorité des sujets avaient moins de 65 ans (92,7 %), la tranche d'âge la plus touchée étant celle des enfants de moins d'un an. Plus de 15 % de décès prévisibles parmi les patients admis en réanimation. Les tableaux cliniques présentés par ces patients étaient largement dominés par les syndromes de détresse respiratoire aiguë d'origine virale (environ 50 %), devant les surinfections bactériennes (environ 20 %). Une ventilation assistée a été nécessaire dans 456 cas et pour 53 patients un oxygénateur extracorporel à membrane (ECMO) a été utilisé. Au 7 septembre, 14,3 % de ces patients étaient décédés et 15,8 % demeuraient à l'hôpital dont 5,1 % en réanimation. Des projections pour la France. Si l'épidémie a le même profil en France (ce qui n'est bien sûr pas certain) on peut donc s'attendre à environ 2 000 hospitalisations supplémentaires en réanimation durant cet hiver (ce qui est inférieur à ce que laissait prévoir une estimation antérieure basée sur les données beaucoup plus limitées provenant de Nouvelle Calédonie). Avec les réserves qui s'imposent sur les variations possibles de l'épidémie dans l'espace et dans le temps, cette publication permet donc d'anticiper utilement sur la surcharge de travail attendue dans les services de réanimation cet hiver et sur les besoins de ces unités en hommes et en matériel en particulier en respirateurs et en appareils d'ECMO.