jeudi 15 octobre 2009

Grippe : Le corps médical de plus en plus sceptique sur l'ampleur du plan gouvernemental français

L'Académie de médecine s'inquiète de la débauche de moyens investis. Plusieurs spécialistes des maladies infectieuses défendent, au contraire, le plan gouvernemental. Un taux d'attaque de 10 % de la population est attendu en France, avec un nombre de décès limité.

Le H1N1 fait tousser les médecins français, mais pas pour les raisons que l'on imagine. Réunis mardi à Paris, les membres de l'Académie de médecine ont remis en cause le plan ministériel qualifié « d'irrationnel, irréaliste et illusoire » par Marc Gentilini. Toujours très remonté contre les pouvoirs publics, l'ancien président de la Croix-Rouge française a dénoncé pêle-mêle le coût du programme, la lourdeur des procédures, la fermeture des écoles « produisant plus de désorganisation que d'efficacité » et l'inutilité du « trésor de guerre » composé de 94 millions de doses de vaccins et de 2 milliards de masques. « Au moins 1,5 milliard d'euros ont été engagés dans cette campagne. C'est cinq fois plus que le budget affecté par la France à la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose », estime le médecin français. Revenant du sommet de Ouagadougou consacré à la santé dans les pays en développement, il souligne que ces dépenses sont jugées incompréhensibles dans les pays du Sud.

La grogne monte également dans les hôpitaux. Une partie du personnel soignant estime que l'on dépense sans compter pour identifier le H1N1 par des examens biologiques coûteux, alors qu'il ne reste plus un centime pour « acheter des trombones ». L'académie de médecine réclame une analyse du rapport coût-efficacité portant sur « l'ensemble de la campagne concernant lanouvelle grippe, avec une évaluation rigoureuse des dépenses engagées ».

Face à ces critiques, plusieurs spécialistes des maladies infectieuses plaident en faveur de l'action gouvernementale. Selon Antoine Flahault de l'Ecole des hautes études de santé publique, « c'est la première fois que nous sommes capables de prévoir l'arrivée d'une pandémie ». Mais cet expert reconnaît également que le plan initial a été imaginé pour lutter contre la très dangereuse souche H5N1 (dont le taux de mortalité chez l'homme a dépassé 50 %) avant d'être « reconfiguré », quand le H1N1 a fait son apparition en avril 2009 au Mexique. L'enquête publiée la semaine dernière dans le « New England Journal of Medicine » à partir des résultats compilés en Australie et en Nouvelle-Zélande confirme la relative bénignité de la souche circulante. « Plus de 99 % des malades ont été guéris sans aucune séquelle en quelques jours », rappelle Antoine Flahault. Venu défendre la parole officielle devant l'académie, le directeur général de la santé, Didier Houssin, a préféré éluder les questions en déclarant que la pandémie « avait des côtés rassurants » et que la DGS était désormais confrontée au « chantier très lourd de la vaccination » prévue pour démarrer la semaine prochaine. D'après lui, le taux d'attaque de la grippe A (H1N1) en France demeure plus élevé que celui d'une grippe saisonnière classique. Mais en Australie, où la phase hivernale de la pandémie est désormais terminée, le nombre de décès n'a pas été supérieur à celui d'une grippe saisonnière et le taux de complications pulmonaires ayant nécessité une hospitalisation dans un service spécialisé dans les pathologies pulmonaires a été mesuré à 28,7 personnes par million d'habitants.

En France, on semble désormais s'orienter vers un scénario allégé tablant sur un taux d'attaque de l'ordre de 10 %. Selon cette hypothèse, environ 6,4 millions de Français seraient éventuellement touchés par une prochaine et hypothétique seconde vague du virus H1N1. Elle entraînerait 64 000 hospitalisations étalées sur six ou huit semaines (dont 460 en réanimation) et 6 400 décès. Mais en réalité, et comme l'a précisé Bruno Lina, qui dirige le Centre national de référence de la grippe à Lyon, « personne n'est capable de prévoir ce qui va arriver » . Dans cette incertitude, cet expert estime que la vaccination reste la meilleure parade contre l'extension de la maladie, en particulier chez le personnel soignant. « Que se passerait-il si nous avions une pénurie de personnel au moment du pic épidémique ? » Selon lui, l'innocuité des vaccins homologués « a été démontrée » et la mono-injection désormais retenue facilite considérablement la logistique de l'opération.