vendredi 16 octobre 2009
Grippe A le front est calme ! Et demain ?
A la veille de la campagne de vaccination contre le virus H1N1, trois questions au Pr Bruno Housset, Chef du service de Pneumologie à Créteil et Président de la Fédération Française de Pneumologie.
Ce 16 octobre 2009 le front est calme sur le plan de la grippe A. Qu’en sera t-il demain ?
Bruno Housset : Essayer de prédire c’est s’appuyer sur ce qui est connu des conséquences de cette infection par le virus A H1N1 dans l’hémisphère sud au cours de ces derniers mois qui correspondent à l’hiver austral. Un article publié dans le British Medical Journal sur les leçons à tirer de cet épisode est particulièrement démonstratif de l’ambiguïté des messages qui accompagnent cette pandémie. En début d’article, les autorités sanitaires australiennes déclarent « pas de panique ! », les décès imputables à cette grippe ne seront pas supérieurs au nombre de ceux des années précédentes ! Toutefois, quelques paragraphes plus loin, un réanimateur assure qu’il n’a jamais vu de telles pneumonies virales responsables de syndrome de détresse respiratoire aiguë chez les sujets dans la force de l’âge. Ces deux facettes de la pandémie ne sont bien sûr pas incompatibles.
Pour l’instant, la grippe H1 N1 tue tout autant que la grippe saisonnière mais frappe des cibles différentes. Alors qu’habituellement ce sont les sujets âgés et les jeunes enfants qui payent le tribut le plus lourd, ce sont ici les sujets entre 5 et 60 ans qui sont hospitalisés le plus souvent avec, dans jusqu’à 30 % des cas, un séjour en réanimation pour une atteinte respiratoire sévère. Ces pneumonies virales, véritables œdèmes lésionnels, responsables de syndrome de détresse respiratoire aiguë mobilisent d’importantes ressources avec l’utilisation de techniques sophistiquées de réanimation et de ventilation. C’est dire la tension observée dans certaines réanimations australiennes et néo-zélandaises. Qu’en serait-il en France ? Pour un taux d’attaque similaire, soit d’environ 10 %, notre pays avec à peu près 79 lits de réanimation par million d’habitants, fait jeu égal avec l’Australie qui compte 75 lits par million d’habitants. Toutefois il faut souligner l’hétérogénéité de distribution selon les régions de ces ressources rapportée au nombre d’habitants. La relative pauvreté en lits de réanimation expose notamment à des difficultés prévisibles dans le grand Ouest (Bretagne, Pays du Val de Loire, Poitou Charente). Il faut noter ici que l’InVS prévoit un taux d’attaque de 20 à 30 %. Si tel était le cas pour une virulence inchangée, nos moyens actuels ne suffiraient pas.
Alors que faire ?
Bruno Housset : Il est donc essentiel de se préparer dès maintenant à une augmentation des capacités de réanimation par une prévision de déprogrammation des activités, un élargissement des locaux de réanimation aux salles de réveil, un recrutement dans ce secteur de personnel médical et non médical ayant antérieurement reçu une formation de réanimation. Plusieurs sociétés savantes ont validé un diaporama de formation à la surveillance des malades ventilés.
Et puis, les syndromes grippaux sont plus fréquents chez l’enfant ce qui pourrait engendrer une importante demande de consultation notamment dans les urgences pédiatriques. Alliée au développement de la traditionnelle bronchiolite hivernale, la grippe H1N1 risque de submerger ce secteur hospitalier et là encore une anticipation est nécessaire en terme de locaux, d’organisation et de personnel. La prise en charge d’un jeune enfant fébrile pose souvent des problèmes diagnostiques et il ne faut pas passer à côté d’une méningite ou d’une infection bactérienne. Ces difficultés conduisent à ne pas privilégier un tri entre secteur à haute et basse densité virale, l’étiquetage « syndrome grippal » exposant à un risque important d’erreur diagnostique.
Et puis il y a la vaccination !
Bruno Housset : Les travaux menés sur le H5N1 ont permis d’accélérer considérablement la fabrication de vaccins adaptés. Les publications des premiers résultats cliniques permettent d’espérer une séro-protection dans plus de 80 % des cas après une seule injection d’un vaccin avec ou sans adjuvant ce qui simplifie considérablement la logistique d’une vaccination de masse. Les seules complications connues à ce jour sont locales avec rougeur, douleur au point d’injection et éventuellement générales avec réaction fébrile dans les 24 h à 48 h qui suivent l’injection. Mais les bruits les plus divers, les plus farfelus, circulent actuellement dans les médias, sur internet, à propos des risques associés à ces vaccins. Rappelons le recul de plusieurs années, de plusieurs millions de doses de vaccin contenant des adjuvants sans pour autant observer de complications. Rappelons les multiples études épidémiologiques ne démontrant aucun effet sur la santé des très faibles concentrations de thiomersal contenues dans le vaccin afin d’éviter les contaminations. Rappelons que la vaccination grippale protège de la survenue de complications neurologiques tel le syndrome de Guillain Barré. En effet, la grippe est cause de complications neurologiques de ce type !
Un phénomène social de rejet de la vaccination parfois étonnamment relayé et soutenu par des médecins ne peut conduire qu’à un nombre accru de décès chez des sujets jeunes à risque de complications ainsi que bien portants. La vaccination est un outil de progrès médical extraordinaire ayant déjà sauvé la vie de million de personnes. Comment pourrions nous nous en priver ? Les médecins se doivent de donner l’exemple et ne pas être les vecteurs non seulement de la maladie mais de cette perversion de l’esprit qui conduirait à exposer à un danger inutile les patients qui leur font confiance. Souhaitons que la raison prévale ! Il est encore temps !