jeudi 26 novembre 2009

Vaccin de la grippe A : Lettre ouverte de cinq professeurs du CHU de Caen

Cinq professeurs du CHU de Caen répondent à un certain nombre de questions au sujet de la vaccination et du virus H1N1. Se faire vacciner ou non ? Face à ce dilemne, cinq professeurs du CHU de Caen ont pris la plume. Leur lettre ouverte doit permettre à chacun de pouvoir se décider.

«Nous avons lu avec intérêt les réactions de parents d'élève publiées le 18 novembre dans Ouest-France. Il est dommage que la communauté médicale ne soit pas capable de donner une position unanime vis-à-vis de la vaccination contre cette nouvelle grippe. Une des raisons de la difficulté à établir un message clair est que c'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que nous détectons et observons le développement d'une pandémie grippale (les pandémies 1918-19, 1958, 1968 étaient déjà très largement installées et avancées lorsqu'elles ont été identifiées).

Il n'est pas très étonnant que le positionnement de la communauté médicale vis-à-vis d'une maladie nouvelle soit difficile (allant au départ d'un certain catastrophisme (« et si c'était une nouvelle grippe espagnole ! ») à la négligence (« ne vous inquiétez pas, ce n'est qu'une grippette ! »). Une fois posé cela et considérant le flot d'informations contradictoires et de qualité extrêmement variable circulant sur internet et dans de nombreux médias, on comprend aisément que la majorité de nos concitoyens ait le plus grand mal à se déterminer.

Il est donc de notre devoir de dire haut et fort un certain nombre de points parfaitement établis :

- OUI, il y a bien un nouveau virus de diffusion mondiale, responsable d'une nouvelle forme de grippe qui a commencé à remplacer les virus de la grippe saisonnière.

- OUI, davantage de personnes seront touchées par cette grippe (chaque année, entre 5 et 10 % des gens font la grippe, cette année ce sera entre 15 et 30 % de la population, voire davantage).

- OUI, cette grippe qui touchera plus de monde sera également plus grave et fera plus de morts. Nous disposons déjà des données de l'épidémie hivernale dans l'hémisphère sud qui vient de se produire en juillet et août : environ 10 à 15 fois plus de cas de grippe ont nécessité une hospitalisation en réanimation en comparaison des 5 dernières années.

- OUI, certaines personnes ont un sur-risque de faire une forme grave potentiellement mortelle. Les patients souffrant notamment de pathologies cardiaques ou respiratoires (y compris l'asthme), de diabète sévère, de surpoids important, les femmes enceintes à partir du 2ème trimestre, les nourrissons ; mais attention, lorsqu'on étudie les cas de forme grave, pour presque 30 % d'entre eux, les personnes atteintes n'avaient aucun antécédent médical particulier.

- OUI, la grippe semble moins agressive que ceci n'a été craint initialement en mai-juin (cette nouvelle grippe ne fait pas les mêmes ravages que la grippe espagnole), mais elle reste nettement plus contagieuse et plus grave que la grippe saisonnière

- NON, les vaccins n'ont pas été fabriqués en dehors des règles de sécurité usuelles. Ils ont bénéficié de la même procédure de fabrication industrielle que le vaccin contre la grippe saisonnière, la différence tient au fait que la plupart des vaccins contre le nouveau virus A (H1N1)v contient un adjuvant de type squalène. Ce type d'adjuvant (il y en a plusieurs sortes, proches les unes des autres) est connu depuis le milieu des années 1990, est employé dans plusieurs vaccins en routine depuis plusieurs années. Par exemple, le Gripguard ®, vaccin contre la grippe saisonnière, commercialisé depuis plusieurs années, vendu à plus de 45 millions de doses dans le monde. L'adjuvant squalène du vaccin contre la nouvelle grippe le plus utilisé en France (Pandemrix ®) est connu depuis le début des années 2000, a été testé lors d'essais thérapeutiques contre diverses maladies sur au moins 30 000 personnes sans effet secondaire grave. Un adjuvant très proche de celui contenu dans le Pandemrix ® est contenu dans le vaccin contre les virus responsables du cancer du col de l'utérus (Cervarix ®) et déjà utilisé chez des millions de personnes dans le monde. Il est irrationnel de paniquer les foules en agitant d'éventuels effets secondaires graves sans citer ces chiffres. Aucun médecin ne prescrit le moindre comprimé d'aspirine en disant qu'il n'y aucun risque, tout simplement parce que le risque zéro n'existe pas, mais le médecin doit dire s'il y a plus de bénéfices que de risques à suivre tel ou tel traitement. Clairement, dans le cas de cette nouvelle grippe les avantages de la vaccination surpassent les inconvénients

- OUI, même si l'on n'a pas de fragilité particulière, la vaccination a un intérêt important car elle protège l'individu vacciné, et diminue aussi le risque que les proches ou les personnes en contact soient exposés au virus (il faut savoir que la contagiosité débute dans les 24 h qui précèdent les symptômes : quand le malade déclare la grippe, il a déjà contaminé des personnes la veille !). Ainsi, la vaccination contre la grippe (saisonnière, et encore plus celle-ci) est recommandée à tous les soignants. Le même raisonnement doit être appliqué à toutes les personnes s'occupant de la petite enfance (éducation, crèches, etc.). C'est le même raisonnement qui conduit à proposer aux parents de nourrissons de moins de 6 mois (qui ne peuvent être vaccinés) de se faire vacciner afin de ne pas transmettre à leur bébé une grippe possiblement très grave à cet âge.

Voilà une sélection des arguments les plus importants à connaître afin de prendre du recul face au déferlement d'informations de toute sorte et de pouvoir décider ou non de se faire vacciner et de faire vacciner ses proches.»

Pr Renaud Verdon (Maladies Infectieuses), Pr Bernard Guillois (Néonatologie), Pr Jacques Brouard (Pédiatrie), Pr Astrid Vabret (Virologie), Pr Gérard Zalcman (Pneumologie)