lundi 30 novembre 2009
Une expérience parmi tant d'autres d'un médecin irrité par la mauvaise organisation de la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) en France
VACCINATION « GRIPPE A » : HISTOIRE VECUE et QUESTIONS à Mme la MINISTRE - UN MG PARISIEN « EN QUETE DU VACCIN »
En médecin responsable (et aussi en professionnel libéral soucieux de ne pas être absent 8 jours pour cause de grippe…) j’avais décidé, sans état d’âme, de me faire vacciner dès réception de ma « convocation ». Premier « étonnement » pour le XVIIIème arrondissement (192 000 habitants) il n’y a que 3 sites de vaccinations, dont 1 hors de l’arrondissement. Soit 2 lieux de vaccinations seulement sur le XVIIIème alors que 12 départements de métropole sont moins peuplés que notre seul arrondissement. Deuxième « étonnement » le document reçu ne me donne ni les horaires d’ouverture ni un numéro de téléphone à contacter pour les connaitre. Je me rends donc un peu avant 9h et avant mes consultations à l’une des adresses indiquées. Pour trouver porte close et pas la moindre indication sur les heures d’ouverture. J’aurais dû prévoir qu’un « machin » organisé par la CPAM et le Ministère ne pouvait qu’être ouvert avec parcimonie. Qu’à cela ne tienne, je profite de mes visites pour me rendre, l’après midi même, à la seconde adresse. Un centre de PMI proche de mon cabinet. Une pancarte « centre de vaccination » et une porte ouverte. Je crois que je vais, enfin, obtenir cette précieuse injection citoyenne et responsable.
Il y a bien une « équipe complète de vaccination » et personne (je dis bien personne) pour se faire vacciner. Je ne vais donc sans doute pas perdre trop de temps. Pas de chance on me répond, d’un ton peu aimable, que « dans ce centre on ne vaccine que les enfants ». Circulez il n’y a rien à voir. Pourtant cette adresse figurait bien sur le document qui m’a été nominativement adressé par la Sécu qui doit savoir que je ne suis plus un enfant. La moutarde me monte, un peu, au nez mais c’est encore plus embêtant pour le petit grand père, insuffisant respiratoire, arrivé après moi et que l’on renvoie, quelques minutes plus tard, sérieusement essoufflé, avec à peine un mot d’excuse (« c’est pas nous, on n’est pas responsables ») …
Retour au centre du matin : « un gymnase » mais pas n’importe lequel : Le plus loin de tout (dans le coin le plus excentré de l’arrondissement entre le périphérique, le boulevard extérieur et les voies ferrées de la gare du Nord) à plus de 10 minutes de marche du métro le plus proche !!! Un endroit où je n’imagine pas que la moitié de mes papys mamies puissent se rendre par leurs propres moyens. Deux vigiles costauds qui font le pied de grue, un cheminement fléché dans des sous sols incommodes et me voici, enfin dans un gymnase, immense et quasi vide. Vide de clients du moins (nous ne sommes que 4). Car il n’y a pas moins de 12 personnes réquisitionnées pour faire fonctionner ce « machin ». Outre les vigiles, 2 employés pour vous distribuer des papiers à remplir, 2 autres pour vous prendre les papiers et remplir, manuellement, des fiches en plusieurs exemplaires (informatique ? Connait pas !!!). Imaginez le suivi d’un tel fatras de papiers si les français décidaient en fin de compte de se faire massivement vacciner. Assis à une table isolée, solitaire, un brave docteur de la DASS qui doit interroger tout le monde, mais qui, à la différence des médecins traitants, ne connait personne. Donc cela prend du temps. Il m’assure qu’il comprend mon irritation, m’assure qu’il n’y est pour rien et que « je dois me plaindre directement au ministère » !!! Ajoutez 4 élèves infirmières préposées à la « préparation des vaccins » (« sic ») qui bavardent joyeusement et une seule infirmière piqueuse pour les 4 « boxs » prévus. Au total tout cela tout cela m’aura pris un peu plus de 20 minutes. Ne reste plus qu’à trouver la sortie et à marcher à nouveau vers le métro…. Au total une bonne heure de perdue. Heureusement encore qu’il n’y avait personne !!!
QUESTIONS (CONCRETES et INQUIETES) à Mme la MINISTRE :
Comment les malades, les personnes âgées, celles à mobilité réduite, c’est à dire souvent les sujets les plus fragiles vont-ils pouvoir se rendre dans un centre aussi éloigné ?
Le Ministère et la Sécu ont-ils prévus de rembourser les taxis ou d’organiser des vaccinations à domicile ? Ou ont-ils fait le choix (implicite mais scandaleux) de ne pas vacciner ceux des habitants qui ne sont pas aptes à se rendre par leurs propres moyens dans le seul centre de leur arrondissement ?
Question identique : Compte tenu des horaires d’ouverture limités comment pourront se faire vacciner les « parisiens qui bossent » et qui, le plus souvent, partent au boulot avant l’ouverture et en reviennent après la fermeture !! Auront-ils le droit de demander à leur patron de « prendre des heures » ? ou devront-ils « prendre des RTT » (s’ils en ont !!!) ??? A l’inverse : Si l’on veut atteindre l’objectif affiché de 60 % de vaccinés avant la fin de l’année (au-delà ce sera, sans doute, presque trop tard…) il faudrait que près de 120 000 habitant du XVIIIème passent par ce seul centre soit plus de 3 000/jour ou 450/heure soit plus de 7 par minute… Et cela, compte non tenu, de la « revaccination » sans doute médicalement inutile mais encore officiellement prônée qui « double le problème » (essentiellement utile, semble-t-il, pour tenter de fourguer les 90 millions de doses couteusement achetées aux Labos quant il n’y a que 64 millions de français).
Navré mais le «machin» que vous avez mis en place est totalement incapable de répondre ne serait-ce qu’à une petite partie de cet objectif. Cet échec annoncé est le résultat tristement prévisible de la volonté obstinée du gouvernement de mener cette campagne en négligeant («méprisant» serait plus exact) le tissu existant des professionnels.
- On aurait pu vacciner aussi bien (sinon mieux) , avec autant de sécurité et de traçabilité (sinon plus) en utilisant le réseau des médecins généralistes et les infirmières libérales. Et on aurait sûrement « vacciné davantage » si les patients avaient eu à se rendre dans des lieux qu’ils connaissent, auprès de professionnels en qui ils ont confiance.
- Quitte à proposer, par ailleurs, des « vaccinations collectives » dans les PMI (c’est fait pour cela…), les écoles (la médecine scolaire, cela existe encore…) ou les entreprises (médecine du travail). Liste non limitative.
- Ce qui n’aurait pas empêché d’organiser, EN PLUS, des centres de vaccination spécifiques mais « non pas au bout du monde » là où personne ne va et ou peu de monde n’ira (solution ubuesque imaginée sans doute dans la perspective d’un « fantasme épidémique ») mais au contraire « là où sont nos concitoyens » (hall de gare, mairies, stations de métro voire, pourquoi pas, centres commerciaux !!!). Un peu à l’image des « camions de la transfusion sanguine » qui se rapprochent des français pour mieux les motiver.
Question subsidiaire : Le contribuable que je suis, VEUT savoir combien aura coûté réellement (comptabilité analytique à l’appui) un tel dispositif bureaucratique, dans lequel il y a pléthore de personnel pour, en fin de compte, à ce jour et dans ce centre : Un seul médecin pour interroger et une seule infirmière « pour piquer », le tout dans une salle de plusieurs centaines de m2.
- Combien cela aura couté PAR PERSONNE VACCINEE ???
- Et combien aura couté, indirectement, en termes de personnes « NON VACCINEES », (vaccins gaspillés.. patients non vaccinés et de ce fait « inutilement » malades) car il est plus que probable que la lourdeur du dispositif, et sa complexité d’accès, ne pourront, hélas, que renforcer la prévention irrationnelle et imprévisible des français contre CE vaccin.
Un médecin généraliste navré de ce gachis.
Dr. Philippe SOPENA