jeudi 12 novembre 2009
Le débat persiste entre partisans et détracteurs du vaccin contre la grippe A
Alors que certains s’interrogent sur le vaccin, le ministère de la santé et de nombreux experts estiment qu’il pourra permettre de sauver de nombreuses vies
Le lancement de la vaccination contre la grippe A intervient alors qu’un débat existe toujours chez les professionnels de santé et la population. Certains s’interrogent sur le bien-fondé d’une campagne aussi massive avec des vaccins sur lequel le recul, à leurs yeux, n’est pas suffisant. D’autres estiment, au contraire, comme les autorités sanitaires, que la France a une « chance historique d’affronter cette pandémie avec des vaccins qui, largement utilisés, permettront d’éviter de nombreux morts ».
> Quels sont les vaccins utilisés en France ?
Au total, le gouvernement a acheté (pour 750 millions d’euros) 94 millions de doses de vaccins à trois laboratoires : Sanofi Pasteur (28 millions de doses), Novartis (16 millions) et GlaxoSmithKline-GSK (50 millions). Dans un second temps, 50 000 doses ont été commandées au laboratoire Baxter. Le plus rapide à délivrer ses produits a été GSK : C’est aujourd’hui son vaccin Pandemrix qui est utilisé pour le démarrage de la campagne grand public.
> Que contiennent ces vaccins ?
D’abord un principe actif appelé « antigène », qui induit la réponse immunitaire permettant de protéger la personne vaccinée. Ils contiennent aussi du thiomersal, un conservateur utilisé pour limiter le risque infectieux, à une dose minime qui, selon les autorités, exclut « a priori » tout risque de toxicité. Deux vaccins (Novartis et GSK) contiennent aussi des adjuvants à base de squalène (huile de foie de requin). Ces adjuvants ont été utilisés pour deux raisons :
- L’adjuvant permet de provoquer une réaction immunitaire en mettant moins « d’antigène » dans chaque dose de vaccin.
- Surtout, ils augmentent l’efficacité du vaccin. Selon plusieurs spécialistes, un vaccin avec adjuvant pourrait rester efficace si le virus devait muter et devenir un peu plus agressif.
> Quels sont les risques des adjuvants ?
Certains estiment qu’il existe toujours un risque à injecter un stimulateur de l’immunité. Ces craintes sont écartées par un grand nombre d’experts qui crient à la « désinformation » : il s’agit, selon eux, d’un risque théorique, jamais démontré. Ils rappellent que l’adjuvant utilisé dans le vaccin de Novartis est présent dans un vaccin saisonnier délivré à 47 millions de personnes dans le monde depuis 1997 sans effets secondaires notables.
> Pourquoi utiliser un vaccin sans adjuvant pour les femmes enceintes et les nourrissons ?
Aujourd’hui, les experts recommandent de ne pas utiliser d’adjuvants chez les personnes dont le système immunitaire est immature (nourrissons de 6 à 23 mois) ou un peu modifié (femmes enceintes, certains sujets immuno-déprimés). Cela ne veut pas dire qu’il y a un risque démontré de l’adjuvant chez ces personnes. Simplement, les experts ne disposent pas d’études suffisantes pour se prononcer et, à titre de précaution, ils jugent préférable de leur délivrer des vaccins sans adjuvant. En France, un seul vaccin de ce type sera disponible, celui de Sanofi Pasteur. Il pourrait être autorisé au début de la semaine prochaine.
> Faut-il une dose ou deux doses ?
Au départ, on pensait que deux doses du vaccin seraient nécessaires. Mais depuis, des études ont montré qu’une seule dose pourrait être suffisante pour les plus de 10 ans. En tout cas pour l’instant, en France, le schéma vaccinal est toujours fixé à deux doses. Les autorités sanitaires souhaitent se donner encore un peu de temps pour savoir avec certitude si une dose est suffisante. Si tel devait être le cas, la recommandation évoluerait avec une dose pour les adultes et sans doute toujours deux doses pour les moins de 10 ans.
> Quel recul a-t-on sur les vaccins ?
Les données disponibles en France portent sur les 50 000 doses du vaccin GSK délivrées entre le 21 octobre et le 5 novembre à 50 000 professionnels de santé. Sur cette période, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a eu connaissance de 36 signalements d’effets indésirables, principalement des douleurs au site d’injection, des maux de tête ou de la fièvre. « À ce jour, il n’y a pas eu de notification d’effets graves », assure l’Afssaps. En Europe, le pays le plus avancé en matière de vaccination est la Suède où 1,4 million de doses du vaccin GSK ont été délivrées. Selon l’Afssaps, rien d’alarmant n’y a été constaté.
> Que sait-on des risques liés aux vaccins ?
Les données disponibles sont a priori rassurantes. « La tolérance du vaccin est très bonne », répètent de très nombreux spécialistes de la grippe et des vaccins. Toutefois, dans une vaccination de masse, il est toujours possible de voir apparaître quelques complications chez des personnes ayant peut-être une prédisposition à telle ou telle maladie. Depuis des semaines, un large débat tourne autour de la maladie de Guillain-Barré, une affection neurologique potentiellement grave, qui touche 1 700 personnes par an en France. Certains affirment que le vaccin peut déclencher cette maladie. De leur côté, les autorités sanitaires et de nombreux experts répondent que ce risque n’est pas démontré avec certitude et qu’il est, en tout état de cause, très faible (un cas sur un million de vaccinés). Ils ajoutent que la principale cause du Guillain-Barré est une infection et qu’il y a plus de risque de développer cette maladie après une grippe qu’après une vaccination.
> Faut-il se faire vacciner ?
Comme tout acte médical, une vaccination repose sur une analyse du rapport bénéfice-risque, propre à chaque individu. Cette analyse n’est pas toujours facile à faire pour le grand public qui, en quelques mois, a entendu parler d’une grippe jugée « redoutable » puis qualifiée de « grippette ». En fait, pour l’instant, cette grippe reste bénigne chez l’immense majorité des personnes touchées mais peut provoquer, dans quelques cas, des formes sévères et mortelles, y compris chez des jeunes en parfaite santé. Ce qui n’est pas le cas avec la grippe saisonnière qui, à 90 %, fait des victimes chez les plus de 65 ans. Depuis le début de l’épidémie, 34 décès ont été attribués en France métropolitaine à la grippe A, dont deux chez des personnes sans facteur de risque. Selon l’Institut de veille sanitaire (InVS), au 3 novembre dernier, 625 patients avaient été hospitalisés dont 131 en réanimation dans un état grave. Parmi ces cas graves, on a recensé neuf nourrissons de moins d’un an, huit enfants de un à 14 ans et 101 personnes de 15 à 64 ans. Sur ces 131 patients traités en soins intensifs, il y avait notamment 26 personnes souffrant d’asthme, 14 de diabète, 14 de forte obésité, 14 femmes enceintes et 19 personnes à première vue en bonne santé. « Ce n’est pas une grippe anodine. On voit des formes très sérieuses chez des sujets jeunes », avertissent de nombreux réanimateurs. Pour avoir une idée précise de la dangerosité de cette grippe, il faudrait bien sûr comparer ce chiffre des cas graves avec le nombre total de personnes ayant contracté la grippe A en France. Ce qui n’est pas possible car cette donnée n’est pas disponible à l’InVS. À titre indicatif, on peut préciser que dans la semaine du 26 octobre au 1er novembre, 39 personnes ont été hospitalisées dans un état grave alors que, dans le même temps, le nombre de consultations pour grippe A a été estimé à 341 000. Selon plusieurs experts de la grippe, ces chiffres pourraient augmenter fortement au cours des prochaines semaines avec une intensification de l’épidémie durant l’hiver.