Le tableau ci-contre reprend les morts en excès associés à la grippe (nombre de morts pour 100 000 personnes) pendant les principales pandémies qui ont lieu depuis 1918. Il faut remarquer que la dernière grande pandémie remonte à 1957. Celle de 1968/1969 est souvent décrite par les médecins installés à l'époque comme ayant été très éprouvante pour tous. Il faut se rendre à l'évidence pratiquement aucun médecin actuellement en exercice n'a connu une pandémie d'une telle ampleur dans sa carrière. Voilà sans doute une des raisons de la relative indifférence des français, qui ne sont pas préoccupés par la question.
Le devoir de mémoire des historiens est aussi important que les publications des scientifiques.
Nous avons recueillis les témoignages de plusieurs médecins qui ont connus ces deux dernières pandémies. Ceux-ci décrivent un système de santé complètement débordé. Sont évoqués la pénurie totale de médicaments dans les pharmacies. En l'absence de produits de marque, les ordonnances comportaient simplement des rubriques : sirop, antithermiques, antibiotiques, etc ... les médecins prescrivaient avant la lettre en générique en quelque sorte. Des "ordonnances standards" étaient photocopiées ! Des soignants en milieu hospitalier se souviennent des malades entassés dans les couloirs des services en attente d'un lit de réanimation hypothétique et d'une morgue qui ne désemplissait pas.
Mortality Associated with Influenza Pandemics and Selected Seasonal Epidemic Events, 1918–2009
Retenons les leçons de l'histoire
Voici un récit de la pandémie 1957/1958 :
"L'épidémie a commencé en juin environ aux USA dans l'armée, puis s'est étendue dans les communautés, les camp de jeunes, etc. La maladie a été favorisée en septembre par la rentrée des classes et a culminé à la mi octobre. Il y a eu des taux d'attaque de 40 à 60 %, la maladie etait le plus souvent bénigne, il n'y a pas eu de répercussions économiques. Dés le début, il a été évident qu'il ne servait à rien de fermer les frontières et il n'y a pas eu de mesures spéciales de quarantaines. On a dit aux gens de rester chez eux s'ils étaient malades, afin de ne pas engorger les hôpitaux. Dans certains endroits ce fut un non événement. Il ne se passa pas grand chose, alors qu'à New York on signalait un grand taux de maladie et une surcharge des hôpitaux.
La mortalité est surtout apparue de manière surprenante en janvier et février 58, alors que la pandémie était " finie" !"
Le CDC estime que la pandémie actuelle est très proche de la situation de 1957/1958 (mêmes tranches d'âges, même circulation du virus). A la lumière des expériences passées il faudrait donc plutôt craindre l'hiver 2009/2010 que l'automne 2009. Cette fois la différence essentielle tiendra en l'existence d'une vaccination collective, qui faite à temps, coupera la pandémie avant son explosion. Si ce scénario se produit de très nombreux détracteurs n'imagineront pas la partie de l'histoire non écrite. Et à nouveau toute la difficulté sera de s'en souvenir pour les générations futures, car il y aura d'autres pandémies. Quand ? Personne ne le sait.
Ci-dessus deux photographies* de la même personne avant et après la pandémie de 1918. Il s'agit de Madame Cnudde née Gaiffe. La photo de gauche a été prise en 1915. Celle de droite en 1918, pendant sa convalescence après avoir été une des rescapées de la grippe espagnole, très amaigrie ses cheveux commencent à repousser.
Ci-dessus, à gauche, le Docteur Félix Christiaens (1872-1952) qui exerçait à Mons-en-Barœul au 213 rue Daubresse-Mauviez (actuelle rue du général de Gaulle). Père du professeur Louis Christiaens, pédiatre et de Madame le Docteur Lauliac, médecin scolaire, il avait sauvé de nombreux patients grâce à ses soins assidus. Sur le cliché** de droite ci-dessus figure une malade qui n'a pu être guérie, il s'agit de Madame Eugénie Bollengier-Pagnerre, la mère de l'architecte Gabriel Pagnerre. Ce dernier, démobilisé le 8 janvier 1919, revenant de 1 609 jours de guerre ne retrouvera sa maman que quelques jours, car malheureusement celle-ci décédera le dimanche 2 février 1919 lors de la deuxième vague de grippe espagnole, qui tuait en 3 jours. * Merci Jean Cnudde de nous avoir procuré les photographies de sa maman et celle du Docteur Félix Christiaens, ainsi que les précisions historiques.
** Document de l'association Eugénies retrouvé récemment.