mercredi 12 août 2009

Il n'y aura pas que des fermetures d'école à cause de la grippe A

Branle-bas de combat au ministère de l'Education nationale. Le ministre Luc Chatel a décidé de prendre le problème de la grippe A à bras-le-corps. Réunion d'une cellule de crise interministérielle le 18 août, circulaires envoyées à tous les préfets et recteurs d'académies : le ministre de l'Education nationale multiplie les initiatives pour anticiper le pic éventuel de l'épidémie de grippe H1N1 à la rentrée. Dans une interview accordée au Figaro, mardi, Luc Chatel dit vouloir «être prêt» en cas de pandémie totale et affirme «se préparer à toutes les éventualités». «Si les circonstances l'exigent, nous nous tiendrons prêt à fermer les établissements», avait-il déclaré.


Un plan pandémie grippale, mis au point par le gouvernement en 2004 lors des permiers cas de grippe aviaire, informe des démarches à suivre. Réédité en février dernier, ce plan draconien préconise par exemple, en cas de niveau d'alerte 6 (la France est aujourd'hui au niveau 5), de restreindre l'accès aux établissements hospitaliers, aux maisons de retraite et aux établissements pénitentiaires en plus de la fermeture des établissements d'enseignement. Le virus H1N1 est néanmoins bien moins virulent. Alors comportement alarmiste ou attitude raisonnable face à la grippe A ?

Deux médecins, spécialistes du virus, réagissent aux propos de Luc Chatel. Pour eux, cette épidémie soulève deux problématiques d'égale importance : l'aspect médical du virus et son impact sociétal.

Alain Fisch chef de service au CHU de Villeneuve-Saint-Georges, et président de l'Institut des études épidémiologiques et prophylactiques.

«La fermeture des écoles est inéluctable»
«Je crois que les gens n'ont pas bien compris l'ampleur de la situation. Deux cas de figures s'imposent. Soit le virus mute, – et il a des chances de muter –, il devient virulent cet hiver, et nous allons droit vers une catastrophe. Ce scénario annoncerait une mortalité assez forte, les décès se compteraient en centaine de milliers en France. Soit le virus ne mute pas, mais sa contagiosité est telle qu'il infectera des millions de personnes. Dans les deux cas, l'hiver prochain s'annonce chaotique, car le pic de l'épidémie est une évidence. Si 1% des malades se présente dans les hôpitaux, ces derniers seront saturés par la surpopulation de patients.

»La fermeture des écoles n'est pas à mettre au conditionnelle, elle est inéluctable. Si le ministre Luc Chatel comprend bien la situation, il faudra fermer bien plus que les écoles. Tous les lieux publics, métros, théâtres, cinémas, pourraient être arrêtés quelques temps pour éviter au virus de se propager dans tous les endroits de très haute promiscuité.

»Ces mesures serviraient à ralentir la progression épidémique. Il faut avant tout essayer de maîtriser sa propagation. La situation serait très critique si tout le monde attrapait la grippe en même temps. C'est en tout cas la permière fois que l'on devra gérer un problème de la sorte.»

Jean-François Delfraissy chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre et directeur de l'Institut «Maladies infectieuses» à l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale)

«Il n'y a pas de raison que le virus devienne dangeureux»
«Ne cédons pas à la panique. D'un point de vue médical, je répète qu'à l'heure actuelle le virus n'est pas grave, il n'y pas de raison qu'il mute et devienne dangereux. L'épidémie de grippe A ne sera sans doute, cet hiver, qu'un problème quantitatif, du moins je l'espère. Luc Chatel prend ce problème d'épidémie au sérieux, et c'est là son rôle de ministre. Car le problème reste de taille. Je pense qu'il a raison d'agir avec anticipation puisque l'épidémie sera là cet hiver. Il y aura une poussée d'endémie importante, c'est une évidence, mais on ne sait pas encore dans quelle proportion.

»Le virus est bénin, mais il entraînera tout de même une désorganisation sociale importante. Si les cas grippés se multiplient par milliers voire par millions, ce qui est probable, l'absentéisme sera sans aucun doute très élevé dans les milieux professionnels. Les arrêts maladie seront en très forte augmentation. Même si la grippe reste non-virulente, tous les rouages de la société s'enrayeront pendant un temps X. Dans les hôpitaux, on s'attend à 50% d'absentéisme au moment du pic de l'épidémie. Les professeurs et les maîtres d'école seront également touchés.

»Il faut donc rester très pragmatique. Le ministre agit de façon logique en annonçant la fermeture possible des établissements, ce qui montre aussi l'importance qu'il accorde au sujet. Je pense que les écoles fermeront pour éviter d'alimenter la propagation du virus. Et, si la situation devient vraiment critique, il faudra là penser à fermer d'autres structures collectives, mais ce n'est pas encore d'actualité.»
Grippe A : «Il faudra fermer bien plus que les écoles»
Deux médecins spécialistes de la grippe réagissent aux propos du ministre de l'Education nationale qui se dit «prêt à fermer les écoles». Pour eux, le pic de l'épidémie aura bien lieu cet hiver.