lundi 24 août 2009

« Open air » ou comment limiter la casse lors d’une pandémie grippale

En 1918 un soldat anglais, Patrick Collins, présenta les premiers signes d’une infection grippale. Il prit sa tente et se traîna jusqu’à une colline à proximité de son régiment. Il y resta, transpirant, frissonnant et délirant pendant plusieurs jours, soutenu par sa seule ration de rhum quotidienne. Et il fut l’un des rares survivants de son unité…

Véritable miracle, ou guérison par le soleil et le vent, comme le laisse supposer RA Hobday ? L’anecdote relatée ici est loin d’être unique, et l’auteur en rapporte bien d’autres. Comme celle de la découverte à Boston, en pleine pandémie de grippe espagnole, que les marins confinés aux fonds de cales mal ventilés faisaient des pneumonies plus graves que les autres ce qui conduisit à les exposer en plein air, les nuits de beau temps, pour favoriser leur guérison…

Les traitements « open air » ont leurs lettres de noblesse et une longue histoire médicale derrière eux. En 1791 JC Lettsom, fervent avocat de ce qui deviendrait bientôt la méthode open air, exposait ses jeunes patients tuberculeux à l’air marin et au soleil du Royal Bathing Hospital de Kent (Angleterre). Dans les années 1840, G Bodington, dans les environs de Birmingham, développa ce qui pourrait être considéré comme l’ancêtre des sanatoriums, traitant les tuberculoses pulmonaires par des combinaisons d’air pur, d’exercices de plein air et de régimes variés (plus quelques médicaments), au prétexte que les gens qui vivaient enfermés étaient plus sensibles à cette maladie, dont on ne connaissait pas la cause, que les fermiers, paysans et autres bergers qui passaient leur vie dehors. L’idée ne perça pas à cette époque, mais ré émergea à la fin du siècle en Allemagne, avec la création d’un véritable sanatorium dans la Forêt Noire par Otto Walter ; on s’empara alors du concept un peu partout en Europe, et en 1908 il y avait au moins 90 sanatoriums en Angleterre. Arrive la pandémie grippale de 1918-1919 et ces grandes tentes-hôpital que l’on voit un peu partout dans les journaux ou sur internet. Parce que les structures en dur sont submergées ? Pas seulement. A l’époque de la première guerre mondiale, les thérapies open air ont de nombreux adeptes, et des bâtiments complètement ouverts côté soleil sont construits pour recevoir des blessés de guerre. Rien d’étonnant à ce qu’on fasse de même pour les grippés avec, selon plusieurs leaders d’opinion de l’époque, d’excellents résultats, particulièrement pour les pneumonies. Les malades ne grelottaient pas, malheureux et abandonnés, dans des lits glacés ; on leur fournissait des bouillottes chaudes et d’épaisses couvertures. Les infirmières, elles, évidemment…

L’exposition au vent et au soleil serait donc bénéfique, et certains croient savoir pourquoi. Les radiations ultraviolettes inactivent les virus influenza et la lumière du soleil est létale pour de nombreuses bactéries ; sans compter que le soleil agit sur la dépression, réduit le stress, diminue les sensations de douleurs et favorise la synthèse de vitamine D dont la déficience a longtemps été associée aux infections respiratoires. Et aussi étonnant que cela paraisse, on ne sait même pas, à l’heure actuelle, quelle est la proportion exacte des grippes aéro-transmises et selon quel mode, gouttelettes ou aérosols fins. Il ne serait donc pas sans conséquences pratiques de mieux cerner le rôle de ces deux éléments clés, vent et soleil, dans la transmission et la guérison de certaines infections, grippe en tête. Ce qui serait bien c’est de disposer de quelques données nouvelles avant la prochaine grande pandémie !

Hobday RA et coll. : The open-air treatment of pandemic influenza. American Journal of public Health.