La France tente d’éviter que la machine se grippe
jeudi 13 août 2009
La France tente d’éviter que la machine se grippe
Annonces en rafale, cellules de crise, plan de fermeture des écoles, le gouvernement veut montrer qu'il est prêt à faire face au virus H1N1.Météo fébrile : les bureaux des ministères et des administrations sont désertés, et pourtant il y flotte une drôle d’atmosphère. Incertaine et inédite.
Comment se préparer à cette rentrée qui s’annonce placée sous le signe de la grippe A? Tout, ou presque, est prévu. Dans le très long plan gouvernemental de lutte contre la pandémie grippale, les différentes étapes ont été déclinées, administration par administration. On sait que si cela s’emballe, il faudra fermer les écoles, réduire les transports, soigner en priorité le personnel de santé… Mais tous les acteurs le disent : l’imprévu sera au rendez-vous. C’est bien une drôle de guerre qui se met en place, sans trop savoir quel ennemi sera en face. Hier, une réunion de la cellule interministérielle s’est tenue au ministère de l’Intérieur. «La situation sanitaire est posée. Il n’y a pas de tensions ces jours-ci. Nous avons discuté des instructions à donner aux préfets concernant la campagne de vaccination, en cas de pic en septembre-octobre», explique-t-on au cabinet de Brice Hortefeux.
L’éducation
Au ministère de l’Education nationale, on est aux abonnés absents. Si ses services sont en veilleuse, le ministre Luc Chatel s’active dans le Figaro. Il a annoncé hier un plan d’information et de réaction «en cas de contagion en milieu scolaire», qu’il présentera le 18 août, deux semaines avant la rentrée. Ce plan ambitionne de préparer à «toutes les éventualités», notamment le cas de pandémie totale, qui aurait comme conséquence la fermeture des écoles, «au cas par cas», précise le ministre. La décision sera alors prise «par le préfet, en concertation avec les autorités de l’éducation et les directeurs des établissements». Toutefois, le Syndicat de cadres hospitaliers (SNCH) a mis en garde, hier, contre les conséquences d’une fermeture des écoles en cas de pandémie de grippe A, craignant une augmentation de «la pénurie de soignants». En cas de nombreuses fermetures d’écoles, Luc Chatel a dans ses cartons un «plan de continuité pédagogique». Un mélange de télétravail et de cours par correspondance : est ainsi prévue la diffusion, sur France 5, France Culture et Internet, de programmes éducatifs, préparés pendant l’été. L’Union européenne recommande elle aussi la fermeture des écoles au cas par cas, les enfants étant considérés comme «un des groupes les plus à risque».
La santé
Il est rentré de vacances depuis déjà une semaine : le professeur Didier Houssin, directeur de la santé et coordinateur interministériel, est le personnage clé du dispositif français. Il a travaillé depuis des années sur ce plan, il le connaît par cœur. Ces jours-ci, il ne chôme pas. Multipliant les réunions, s’interrogeant sur l’avancée de la production vaccinale. «Il est en contact quotidien avec la ministre, dit-on au ministère de la Santé. C’est la vigilance de tous les côtés.» Le directeur adjoint du cabinet de la ministre tient pour sa part une réunion quotidienne. «On n’est franchement pas en vacances, mais cet été est plutôt calme sur les autres fronts : il n’y a pas eu de canicule ni d’urgences hospitalières trop débordées.» Aux urgences pédiatriques de l’hôpital Purpan de Toulouse, l’ambiance est sérieuse. On se prépare, là aussi, à une drôle de rentrée des classes. «Tous les ans, on voit arriver des pathologies virales quinze jours après la rentrée. Le fait de recollectiviser les enfants risque d’être associé à une augmentation des cas de grippe H1N1. Mais dans quelles proportions, on ne sait pas. C’est cela qu’on n’arrive pas à anticiper, que les gens ont du mal à appréhender et qui les agite», explique Isabelle Claudet, chargée des urgences pédiatriques. Comme dans chaque département, le médecin coordinateur de la Ddass a fait faire des projections. Il y a 15 000 enfants de moins d’un an en Haute-Garonne. «Ils ne seront pas tous malades», estime le médecin, pour qui il n’y a pas lieu de s’affoler : «Le tableau clinique pour les enfants sans facteur de risque est celui d’une grippe saisonnière.»
Les transports
Pour les entreprises de transport, la mission assignée par l’Etat est claire : assurer l’activité au maximum, tant que c’est possible. Il s’agit donc d’élaborer des «plans de continuité de l’activité», au cas où une partie significative des personnels serait touchée. Les procédures, élaborées lors des crises du Sras et de la grippe aviaire, ont été actualisées. Les stocks de masques (8 millions à la SNCF) et de blouses ont déjà été constitués. «On n’est pas pris au dépourvu, dit-on chez Aéroports de Paris. Mais personne ne sait comment cette grippe va évoluer.» Une liste des «salariés indispensables» a été établie : ils seront vaccinés en priorité et leur remplacement éventuel est anticipé. La RATP et la SNCF ont aussi comme objectif de fournir «le niveau de service le plus élevé possible» en fonction de l’évolution de la crise, tout en protégeant leurs personnels. A la RATP, la cellule de veille «travaille au quotidien sur le sujet» depuis la fin avril. Elle a recensé les salariés ayant une aptitude autre que leur poste actuel, au cas où… Quoi qu’il en soit, toutes les entreprises se disent à la disposition des services de l’Etat : ce sera aux pouvoirs publics de décider d’éventuelles restrictions de trafic, voire de fermeture de gares ou de réseaux.
La grande distribution
Les enseignes ont quasiment toutes installé des cellules de crise. Auchan a réactivé le dispositif qui avait été mis en place lors du pic de la grippe aviaire. Et Carrefour a établi un bureau qui coordonne les cellules de crise des 33 pays dans lesquels il est présent. Objectif : assurer la protection de ses collaborateurs, «sécuriser l’acte d’achat des clients» et participer à la continuité de l’activité économique du pays (notamment pour l’alimentation). Les grands rassemblements de l’été
A Lourdes, on s’en remet à la providence. A la veille du grand rassemblement du 15 août, qui verra converger des dizaines de milliers de pèlerins, dont beaucoup de malades et de handicapés, le Dr de Franciscis, responsable du bureau médical des sanctuaires de Lourdes n’est pas trop inquiet : «On cherche bien sûr à protéger les plus faibles, mais ce n’est pas une maladie grave, il faut juste être attentif pour détecter les éventuels cas et éviter la contagion.» Selon les recommandations de la direction départementale de la santé, des consignes d’hygiène ont été placardées partout en ville. Mais tout le monde note qu’aucun des grands rassemblements de l’été, dont celui de Taizé (Saône-et-Loire), n’a connu de cas de grippe A. Plus préoccupant est le grand pèlerinage à La Mecque (à partir du 19 novembre cette année), qui rassemble tous les ans plusieurs millions de pèlerins, dont des milliers de Français.