jeudi 11 juin 2009

Il y a tout à apprendre d'une crise comme celle de la grippe A (H1N1)


New York mobilisée contre la grippe

Inquiétés par la grippe A, les New-Yorkais ? Certains parents d'élèves le sont et, à la moindre alerte dans une école de la ville, le taux d'absentéisme s'envole. Mais la métropole n'a rien changé à ses habitudes. Et rares sont ceux, dans les rues de Manhattan, à porter un masque de protection. Pourtant, le département de la santé et de l'hygiène mentale de la ville de New York (DOHMH), se fondant sur un sondage réalisé par téléphone auprès de 1 000 personnes, estime qu'environ un demi-million de New-Yorkais (sur 8 millions) a été atteint ces dernières semaines par une forme bénigne de la grippe A (H1N1). Un chiffre qui n'étonne pas, en France, l'épidémiologiste et ancien directeur général de la santé William Dab.


Comparé aux 27 737 cas comptabilisés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), lundi 8 juin, le chiffre peut sembler incohérent. C'est que la ville de New York, après avoir tenté de recenser tous les cas de grippe A, y a très vite renoncé, débordée par l'ampleur de la tâche. "C'était devenu impossible de procéder à des analyses pour chaque cas, assure le docteur Don Weiss, directeur de la surveillance au département de la santé. Nous nous sommes donc contentés des cas qui justifiaient une hospitalisation." A la date du 9 juin, le DOHMH ne recensait donc "que" 694 cas confirmés de grippe A (dont 9 décès) à New York, ce qui en fait néanmoins la ville la plus touchée au monde avec Mexico. Peu de temps après le début de l'épidémie, fin avril, les autorités sanitaires de la ville ont préféré adopter une stratégie de gestion "douce" de la crise. Premier objectif : assurer la prise en charge des cas les plus graves afin de limiter le nombre de décès et, pour cela, éviter l'engorgement des services d'urgence des hôpitaux assaillis. Une campagne de communication a été lancée à travers les médias locaux et "ethniques", la distribution massive de brochures (traduites notamment en espagnol, en chinois, en coréen, en italien, en russe et même en créole) et des spots radio, ainsi que par l'intermédiaire du site Internet de la ville et de son numéro d'appel, le 311. Le principe est d'expliquer quelle attitude adopter : ne se rendre à l'hôpital qu'en cas de symptômes graves, comme des difficultés à respirer ; rester chez soi si les symptômes sont bénins (fièvre, maux de gorge), et ce jusqu'à vingt-quatre heures après la disparition des dits symptômes ; consulter un médecin si l'on appartient à un groupe dit à risques, tels que les enfants âgés de moins de 2 ans, les femmes enceintes, les personnes âgées, les diabétiques, les asthmatiques, etc.

Pour suivre la situation au jour le jour, un système de commandement de crise (ICS) a été mis en place au sein du département de la santé. Environ 400 personnes, sur les 7 000 fonctionnaires du DOHMH, y contribuent. "Nous sommes dans l'urgence. Des décisions doivent être prises en quelques heures, ce qui est très inhabituel pour nous", explique Adam Karpati, qui assure la direction du ICS. Une procédure de remontée des informations depuis les services d'urgence et de soins intensifs des hôpitaux de la ville a été mise au point. Une section du ICS s'occupe spécifiquement des écoles, dont une soixantaine a été fermée temporairement (une semaine en général), une autre des établissements pénitentiaires. Au laboratoire de santé publique, en mesure, depuis début mai, de détecter le virus H1N1, les équipes, qui travaillent habituellement sur les menaces bioterroristes et sur le virus du sida, ont été détachées pour faire face à l'afflux d'échantillons à analyser (jusqu'à 80 par jour, contre 2 ou 3 en temps normal). "Finalement, cela nous donne l'opportunité de tester notre réaction face à une situation d'urgence", constate Geoffrey Cowley, le responsable de la communication du département de la santé.

Car ce scénario n'était pas celui attendu : une pandémie potentiellement meurtrière de grippe aviaire déclenchée par la mutation du virus H5N1. "On ne s'attendait pas à devoir affronter un virus si proche de celui d'une grippe classique, reconnaît Don Weiss. C'est comme en matière de bioterrorisme : on travaille sur des scénarios inconnus", estime le docteur Scott Harper, un collaborateur de Don Weiss. La bataille contre le H1N1 n'est pas terminée, même si la fréquentation des urgences des hôpitaux new-yorkais a enregistré une légère décrue, fin mai. Et les surprises ont été nombreuses : la relative immunité des personnes de plus de 65 ans, la difficulté de répondre à la vitesse de propagation du virus, l'hypersensibilité de la population sur la question des écoles, la pression des élus municipaux et des médias, la nécessité de s'appuyer sur les conseils de quartiers comme relais auprès des habitants... "Il y a tout à apprendre d'une crise comme celle-ci", constate Don Weiss.