mercredi 17 juin 2009

En France les généralistes en première ligne pour la grippe A (H1N1)

Ce qui était prévisible est en train de se dérouler. L'extension des cas de grippe A (H1N1) en France, avec maintenant des cas non importés, entraîne une évidence : il est impossible d'hospitaliser tout le monde. Mais les réflexes et les mauvaises habitudes prises depuis des années de consulter directement aux urgences vont compliquer les stratégies des semaines prochaines. La période des vacances heureusement tombe à pic avec la fermeture des écoles pour deux mois, diminuant ainsi les contacts étroits. Mais à l'inverse ce bimestre va être l'occasion de multiples déplacements, y compris dans toutes les régions du monde. En France la météo n'est pas favorable à la propagation du virus qui néanmoins prolifère, toutefois certains voyages vont se dérouler vers des pays de l'hémisphère sud où les conditions sont plus propices.


En matière de prescription, le corps médical sait faire preuve de responsabilité ... mais il va falloir persuader les patients

Inutile de se précipiter dans une pharmacie pour acheter des médicaments. Et ce pour deux raisons : d'abord parce qu'il ne sert à rien de prendre un traitement, en l'occurrence un antiviral, alors que l'on n'est pas atteint du virus. «Il faut le réserver à une utilisation curative, martèle le professeur François Bricaire, chef de service des maladies infectieuses à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Il faut veiller à ne pas développer de résistances qui rendraient inefficace le médicament.» Ensuite, parce qu'il faut économiser les stocks. «Le corps médical doit être sérieux et responsable pour ne prescrire qu'en cas d'épidémie, ce qui n'est actuellement pas le cas, ajoute François Bricaire. Si on gâche les stocks, Roche ne pourra pas fournir en quantités suffisantes.»

À l'heure actuelle, seuls le Tamiflu (gélules du laboratoire Roche) et le Relenza (antiviral administré par inhalation de GlaxoSmithKline) seraient effi­caces contre le virus. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) rapporte que les Centers for Disease (CDC) américains ont vérifié en laboratoire son action sur cette nouvelle souche virale.

Aujourd'hui, les pharmacies ne disposent pas ou presque plus (beaucoup ayant été écoulés ce week-end) de stocks pour fournir les particuliers. Les pharmaciens doivent contacter leurs grossistes pour passer commande. Le leader du marché, OCP, confie au Figaro avoir encore des boîtes de Tamiflu qu'il avait commandées en janvier dernier. Une fois ce stock écoulé, il en commandera de nouvelles à Roche. Lundi soir, Jérôme d'Enfert, le directeur médical de Roche, expliquait «n'avoir reçu aucune instruction de la part du ministère de la Santé de ne pas livrer les grossistes». Il confiait d'autre part ne pas avoir connaissance d'une explosion des commandes de Tamiflu lundi.

Inquiets d'une éventuelle propagation de la grippe porcine, certains particuliers cherchent à faire des réserves de médicaments. «Depuis samedi matin, plusieurs clients sont venus me voir pour que je leur vende du Tamiflu, raconte un pharmacien parisien. Je les ai dirigés vers un médecin puisqu'une ordonnance est nécessaire à la délivrance de ces médicaments. Mon travail consiste à dédramatiser et à leur poser la question : quels sont les symptômes ?» L'un de ses clients qui partait en vacances au Mexique a d'ailleurs préféré annuler son déplacement. Dans l'une des pharmacies de l'aéroport Charles-de-Gaulle d'où partent les avions à destination du Mexique, on confie avoir dû répondre, dans la seule matinée de lundi, à plus d'une vingtaine de demandes de Tamiflu. «Ce sont des voyageurs qui se déplacent pour des raisons professionnelles ou pour des vacances et qui décident d'emporter des médicaments préventivement», explique le pharmacien. À Charles-de-Gaulle, les pharmacies reçoivent des Mexicains qui descendent de l'avion. «En cas de symptômes (fièvre, courbatures), mais cela n'a pas encore été le cas, je dois les envoyer consulter, relève le pharmacien. Pour l'instant, je vois des clients qui ont peur. La seule chose que nous puissions faire, c'est de leur vendre des placebos pour les réconforter, comme de la vita­mine C ou de l'homéopathie contre la grippe…»

Psychose

Le problème avec la psychose qui commence à gagner la population, c'est que les gens utilisent les médicaments à tort et à travers. Or il ne sert à rien de prendre du Tamiflu sans avis médical et sans avoir été exposé pendant un certain temps au virus. «Or certains clients me disent qu'ils prennent l'équivalent d'une boîte de Tamiflu par jour, soit près d'une semaine de traitement en une seule journée !» rapporte ­cette pharmacienne.

La posologie est effectivement de 75 mg deux fois par jour. On peut prendre ce traitement dans deux cas. Dans le premier, il s'agit de faire de la prévention quand un patient a les symptômes de la ­grippe, qu'elle soit saisonnière ou porcine. La posologie est alors de deux gélules par jour pendant cinq jours. «Rien ne sert de prendre une boîte complète d'un coup, explique Jérôme d'Enfert, le Tamiflu étant un antiviral, il n'est efficace que si vous êtes porteur du virus !»