dimanche 28 juin 2009

Pas de vacances pour la grippe A

Quelque 250 cas recensés et six groupes scolaires fermés en France, de nouvelles victimes à l'étranger : après les alertes à la pneumonie atypique (Sras) et à la grippe aviaire, faut-il craindre la grippe A ?

Entretien avec le Professeur François Bricaire

Le professeur François Bricaire est le chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Dans son dernier ouvrage, il fait le point sur les nouvelles épidémies.

Pourquoi une pandémie maintenant ?

Pourquoi pas plus tôt ou plus tard ? L'Organisation mondiale de la santé prévoit une pandémie depuis déjà pas mal de temps, donc il faut bien qu'elle arrive un jour ! Lorsque la grippe aviaire a commencé à circuler dans le monde, il y a eu une alerte de l'OMS disant que ce virus déclencherait peut-être une pandémie. Et paf ! Il se trouve que c'en est un autre ! On savait qu'une pandémie devait arriver mais on ne pouvait rien prévoir.

Les craintes ne relèvent-elles pas du fantasme ?

Une pandémie peut être forte ou bénigne. Ce n'est pas parce que la grippe A est bénigne maintenant qu'elle le restera tout le temps. Elle peut s'affaiblir, s'aggraver ou encore rester stationnaire. Tout est possible.

Et cet automne ?

Les pandémies évoluent souvent en deux temps. Si on considère qu'actuellement nous sommes sur la première phase, on peut craindre un deuxième pic aux mois d'octobre ou de novembre. C'est une probabilité, pas une certitude.

Aucun moyen de le savoir ?

Aucun, non ! On se trompe d'ailleurs très régulièrement !

Ce virus est passé du porc à l'homme. Pourquoi ?

Les patrimoines génétiques du porc et de l'homme sont très proches. Un virus comme celui de la grippe A, qui a su s'adapter aux cellules du porc, peut donc plus facilement se développer chez l'homme. Les virus de grippe sont, d'abord et avant tout, des virus animaux qui passent à l'homme par des phénomènes de mutation, favorisés par certaines conditions. En Asie du sud-est par exemple, les élevages rassemblent souvent plusieurs espèces, des porcs, des volailles... Tout ce monde s'échange des bouts de virus, et ça peut finir par donner des nouveaux variants.

En France aussi, il y a beaucoup d'élevages de poulets et de porcs.

La différence c'est qu'en France, ceux qui élèvent des porcs n'élèvent que des porcs et ceux qui élèvent des volailles ne font que ça. La technique européenne présente bien moins de risques.

L'homme favoriserait donc l'émergence de virus ?

Oui, certains éléments infectieux sont facilités par les actions de l'homme. Par exemple, les barrages modifient l'écologie locale, donc la faune et ses virus. Et on peut penser que le réchauffement climatique provoque l'extension des zones d'implantation de moustiques, donc l'apparition de virus.

D'autres épidémies peuvent-elles apparaître ?

Bien sûr ! On a déjà eu le Sras. On peut donc facilement imaginer l'émergence d'autres virus respiratoires. On parle moins du chikungunya mais il continue à s'étendre en Asie. Un sujet malade qui arriverait dans une zone d'Europe propice aux moustiques pourrait y déclencher une épidémie. On peut multiplier les exemples.

Y a-t-il plus de risques actuellement ?

Il n'y a pas plus de risques qu'autrefois. La différence, c'est que maintenant on a les moyens techniques de trouver les virus, donc de prendre des mesures efficaces. Et on gère mieux au niveau international. Pour le Sras, par exemple, l'OMS a lancé l'alerte et fait en sorte de faciliter la recherche du virus au niveau international. Les mesures ont été efficaces. Mais pour la grippe aviaire, l'OMS a seulement réussi à stabiliser l'épidémie, sans l'éradiquer. La situation actuelle est exactement la même qu'en 2003.

Quelles précautions pour se protéger de tous ces virus ?

Respecter les règles élémentaires d'hygiène. Ne pas cracher, mettre la main devant la bouche pour éternuer ou, mieux, éternuer dans sa manche. Et éviter de serrer immédiatement la main à un copain ! Et surtout se laver les mains. C'est vraiment la première des précautions.