mercredi 24 juin 2009

Grippe A en France : Le plan pandémie à l'épreuve de la réalité

Photo ci-contre : L'école Cardinal-Amette, lundi, dans le XVe arrondissement de Paris. L'établissement a été fermé après la découverte parmi les élèves de sept cas de grippe liés au virus H1N1.

Alors que 23 enfants atteints par le virus ont été identifiés dans une école du XVe arrondissement de Paris, la Direction générale de la santé vient d'envoyer une note aux préfets pour adapter la prise en charge des malades aux cas les plus graves. Faut-il fermer les écoles dès qu'un cas de grippe A (H1N1) apparaît dans une classe ? Doit-on forcément téléphoner au Samu, face à une suspicion de grippe ? Les personnes chez qui le virus a été diagnostiqué doivent-elles être systématiquement hospitalisées ?

Dimanche, alors que sept cas de grippe liée au virus H1N1 étaient recensés dans une école parisienne du XVe arrondissement, ces questions soulevées par les familles ne trouvaient pas forcément de réponses claires auprès de leur médecin. Certes, un plan pandémie grippale a été défini pour la première fois en 2004 et revu en février dernier. Il prévoit dans le détail la conduite à tenir. Mais ce plan a été rédigé pour faire face à un virus aviaire, le H5N1, très virulent puisqu'il tue près de 60 % de ces victimes. Or, la menace qui se profile est celle d'une épidémie avec un autre virus d'origine porcine, A (H1N1), bien moins agressif (quatre décès pour mille malades), mais très contagieux et qui risque donc de frapper un nombre élevé de personnes. Le passage de ce plan de la théorie à la pratique met d'ores et déjà en exergue des problèmes de logistique qui n'avaient pas été imaginés sur le papier. De surcroît, il doit être revu à la lumière des premiers cas d'une pandémie moins grave qu'on ne l'avait prévu.

Capacités d'accueil limitées

Pour faire face à cette situation, la Direction générale de la santé (DGS) a envoyé vendredi dernier une note à tous les préfets et à toutes les Ddass (Directions départementales des affaires sanitaires et sociales) pour que ne soient plus hospitalisées systématiquement les personnes atteintes de la grippe H1N1, mais seulement celles présentant des facteurs de gravité. Une telle hospitalisation risquait de se heurter dans la pratique aux capacités d'accueil limitées dans les hôpitaux, mais en plus au souhait des patients qui ne se sentent pas gravement malades. Le plan exigeait également que les personnes «suspectes» téléphonent au 15 pour subir des prélèvements à l'hôpital, en passant par les urgences.

La note de la DGS demande maintenant de «mettre en place dans les établissements de santé sièges de Samu-centre 15, une consultation dédiée à l'accueil des cas possibles de grippe H1N1, qui aurait pour mission de réaliser l'examen des patients, un prélèvement nasopharyngé si nécessaire, une prescription d'un traitement antiviral, ainsi que des masques chirurgicaux et de délivrer des recommandations en matière d'hygiène avant le retour à domicile». L'objectif est notamment de séparer l'accueil des personnes à risque de A (H1N1) des autres malades pour éviter la diffusion du virus des uns aux autres. Lundi à l'hôpital Necker, aux urgences pédiatriques, les cas suspects côtoyaient encore les patients atteints d'une tout autre maladie. Une telle situation ne devrait plus être possible.

Cela n'est possible qu'à condition que les médecins généralistes aient une feuille de route précise

«Je pense que les choses devraient être plus basculées au niveau des médecins de ville et des laboratoires libéraux de référence, comme cela se fait aux États-Unis, pays qui compte un bien plus grand nombre de cas que nous, affirme le professeur Antoine Flahault (épidémiologiste, spécialiste de la grippe). Pour l'instant, les généralistes ne se sentent pas bien préparés, alors qu'ils devraient être la clé de voûte dans l'épidémie actuelle.» Pour le professeur Patrick Berche (chef du service de microbiologie, hôpital Necker, Paris), il faut encore aller plus loin : «Le patient doit pouvoir rester chez lui, y compris pour les prélèvements qui peuvent être faits par le Samu à domicile. Mais cela n'est possible qu'à condition que les médecins généralistes aient une feuille de route précise et qu'ils expliquent clairement les stratégies d'isolement à mettre en place pour empêcher la contamination de la famille.»