jeudi 18 juin 2009

La production de vaccin contre la grippe A (H1N1) sera insuffisante

En Europe, beaucoup commencent à s’inquiéter du manque de vaccins. Il semble que seuls sept membres sur vingt-sept (dont la France et les Pays-Bas) aient signé depuis longtemps avec les industriels des contrats de pré-réservation de vaccins pour garantir leur sécurité sanitaire en cas de pandémie. A ce jour, il n’est pas clair si l’Allemagne a fait des démarches dans ce sens.

Si l’UE voit d’un bon œil le « tourisme médical » (possibilité de se faire soigner dans le pays qui coûte le moins cher), une réelle inquiétude se répand sur le danger d’un « tourisme vaccinal ». Si le vaccin est disponible en France, par exemple, les autres pourraient s’y précipiter. A l’intérieur de l’UE, les Etats pauvres de l’Europe de l’Est risquent d’être laissés pour compte.

La situation sera certainement encore plus dramatique pour les pays pauvres. En cas de pandémie, il sera bien difficile de faire face car la production demande du temps, et les pays les moins bien lotis seront servis en dernier.


Aux Etats-Unis, selon les autorités fédérales, il est impossible de fabriquer suffisamment de vaccins pour protéger tous les Américains d’une éventuelle épidémie de nouvelle grippe avant le mois de janvier 2010 – au mieux, fin novembre 2009. Il faudra même plusieurs années pour satisfaire la demande mondiale en dehors des Etats-Unis et des quelques autres pays qui les produisent, estiment les experts. Si la production peut aujourd’hui aller beaucoup plus vite qu’il y a quelques années, elle pourrait se révéler encore trop lente pour permettre d’éviter des morts et des contagions en cas de propagation plus importante.

Malgré des années d’efforts, les Etats-Unis utilisent toujours, pour la fabrication du vaccin antigrippal, des technologies vieilles d’un demi-siècle. L’Etat fédéral a consacré plus de 1 milliard de dollars à la modernisation et à l’amélioration des procédés de fabrication, cherchant notamment à cultiver le virus non plus sur des œufs de poule, mais sur des cultures cellulaires. Nombre de petits laboratoires pharmaceutiques mettent par ailleurs au point des procédés radicalement nouveaux qui pourraient permettre la production de vaccins en quantités colossales en quelques semaines seulement. Reste que la fabrication en cultures cellulaires n’est pas tout à fait au point et que certains des procédés les plus novateurs n’ont pas encore suffisamment fait leurs preuves aux yeux des experts. “Il s’agit d’excellentes technologies, mais elles ne seront pas prêtes en temps et en heure”, estime le Dr Greg Poland, à la tête du programme de recherche sur les vaccins à la Mayo Clinic. Les autorités fédérales ne savent pas encore si la menace de grippe porcine mérite que soit lancée la production de vaccins, mais elles ont déjà pris des mesures. Cependant, l’un des risques est que la fabrication de ce vaccin ne vienne perturber la production du vaccin contre la grippe saisonnière l’hiver prochain. “Il nous faudra sans doute faire des compromis”, reconnaît Andrin Oswald, président du département vaccins chez Novartis.

Mais Robin Robinson, à la tête du programme de recherche sur les interventions d’urgence au ministère de la Santé à Washington, assure que la plupart des laboratoires auront fabriqué l’essentiel des vaccins contre la grippe saisonnière d’ici juin prochain. Si la fabrication du vaccin contre la grippe porcine était lancée dans la foulée, un premier lot de 50 millions de doses (sur 80 millions) pourrait être disponible d’ici à septembre, estime Robin Robinson. Les 600 millions de doses nécessaires pour que chaque Américain reçoive les deux injections prescrites seraient atteintes en janvier 2010. L’ajout d’adjuvants – des activateurs d’immunité – au vaccin pourrait même réduire le dosage individuel requis, ce qui permettrait d’avoir suffisamment de doses pour les Etats-Unis dès la fin novembre, précise-t-il.

Le fait est que les fabricants de vaccins sont bien mieux pourvus aujourd’hui pour réagir qu’ils ne l’étaient il y a seulement cinq ans : les Etats-Unis ne disposaient alors que de deux producteurs de vaccin antigrippal et avaient connu une grave pénurie. Le marché américain est aujourd’hui alimenté par cinq fabricants. Et ce secteur, jadis parent pauvre de l’industrie pharmaceutique, attire désormais de nouveaux investisseurs, séduits par les aides publiques et la hausse des prix des vaccins. Cependant, selon une étude menée par l’Organisation mondiale de la santé et la Fédération internationale des associations et fabricants pharmaceutiques, il faudrait probablement quatre ans de production pour satisfaire la demande mondiale de vaccin contre la grippe aviaire, qui inquiète les autorités sanitaires depuis plusieurs années. De telles projections sont également valables pour la grippe porcine, estiment certains experts.

“Le problème demeure : il n’y aura pas suffisamment de vaccins dans les délais nécessaires, et les vaccins iront en priorité dans les pays qui en produisent déjà”, car, en cas de pandémie, les pays restreindront leurs exportations, estime le Dr David Fedson, un expert indépendant spécialisé dans la prévention des pandémies. Washington encourage les fabricants à installer leur production aux Etats-Unis, car tous les laboratoires importent aujourd’hui leurs vaccins antigrippaux, à la seule exception de Sanofi Aventis. Le gouvernement a également distribué 1,3 milliard de dollars [980 millions d’euros], répartis entre tous les producteurs, pour financer la mise au point de procédés de fabrication sur des cultures cellulaires, et non plus sur des œufs : les premières, en effet, présentent moins de risques de contamination et pourraient permettre de gagner au moins quelques semaines. Pour l’heure, les résultats sont mitigés.
L’essentiel de ces subventions est encore dans les caisses de l’Etat et ne sera pas perdu, précise cependant Robin Robinson. Novartis, en revanche, construit actuellement un laboratoire de production à Holly Springs, en Caroline du Nord, qui devrait pouvoir entrer en service en 2010 ou 2011. Le gouvernement fédéral participe à sa construction à hauteur de 500 millions de dollars et a garanti l’achat des vaccins.