Ce n’est pas parce que le virus de la grippe porcine est apparu au Mexique qu’il y est né. Plusieurs souches de virus, capables de se recombiner entre eux (échanger leur gènes) et de muter, circulent à travers le monde. Ils peuvent émerger n’importe où. Le plus gros réservoir se trouve aujourd’hui en Asie, dans le sous-continent indien et en Chine. Souvent, les premiers mutants de virus apparaissent dans les élevages de volailles de cette région. Les oiseaux et les cochons cohabitent souvent dans les mêmes basse-cours.
A force de promiscuité, certains virus finissent donc par s’adapter aux porcs. La transmission à l’homme est alors facilitée, parce que nos défenses immunitaires sont plus proches de celles du cochon que de celles des oiseaux. Le risque d’avoir un mutant transmissible d’homme à homme est donc plus important à partir d’une infection par un virus porcin. C’est beaucoup plus inquiétant d’avoir une épidémie porcine qu’une épidémie aviaire.
Le Pr Raoult, chef du laboratoire de virologie à l’hôpital de la Timone à Marseille, répond dans l’édition de mardi de “La Provence” que “tout en ayant un vaccin à disposition, on ne sait déjà pas gérer la grippe saisonnière en France !”
“Il y a chaque année plus de 2 millions de cas de grippe et 5.000 morts dans notre pays, alors imaginez ce qui peut se passer avec un nouveau variant et sans vaccin. On court à la catastrophe”, dit-il.
Selon lui, “on réagit dans l’urgence, on met en place des cellules de crise, on dépense des millions pour des masques dont on ne sait même pas s’ils sont plus efficaces qu’un masque de papier, on met en place des politiques de défense immédiate, mais on ne structure rien”.
Comme il l’avait fait en 2002, dans un rapport au ministre de la Santé, le Pr Raoult préconise “un pré-acheminement des urgences et des infrastructures spécifiques pour accueillir les patients atteints de maladies infectieuses”.
“En France, nous n’avons ni l’habitude, ni les services, ni les circuits pour faire face à de telles épidémies. Aucune étude d’organisation n’a été faite. Que va t-on faire si nous devons répondre à un afflux de malades? Les mettre au milieu des autres urgences?”, s’interroge-t-il.
“Cette épidémie est plus inquiétante que celle redoutée de grippe aviaire”, poursuit-il. Il justifie cette crainte par trois raisons: “le passage des souches du porc à l’homme est très facile”, “un des variants est résistant au Tamiflu” et enfin “les conditions d’une vaste propagation sont réunies” puisque la grippe “est survenue dans une mégapole, avec un aéroport qui dessert de très nombreuses destinations”.