mercredi 30 janvier 2008

La région de Jakarta, capitale mondiale de la grippe aviaire


En quinze jours l'Indonésie a annoncé pas moins de sept décès dus à la grippe aviaire dans l'agglomération de Jakarta : les poulets malades gambadent partout et les autorités sont dépassées par le péril aviaire.

Avec environ 24 millions d'habitants, cette mégalopole est l'une des dix plus peuplées du monde. Connue sous l'acronyme de Jabotabek, elle regroupe Jakarta, Bogor, Depok, Tangerang et Bekasi.

Pour cette conurbation à la réputation difficile, le virus H5N1 n'est qu'un souci parmi d'autres: pauvreté endémique, pollution catastrophique, circulation chaotique, inondations chroniques, bidonvilles tentaculaires, etc.

Alors que des centaines de personnes y meurent chaque semaine de la dengue ou de la tuberculose, les morts de l'influenza aviaire pourraient presque sembler anecdotiques. Mais si le virus devenait facilement transmissible entre humains, suite à des mutations lui permettant de s'adapter à l'homme, les conséquences seraient effroyables.

Contrairement à une idée reçue, la grippe du poulet est plutôt une maladie urbaine. La raison en est simple: une volaille malade est susceptible d'infecter davantage en ville, où la densité humaine est plus importante.

L'Indonésie a dépassé mercredi le seuil symbolique des cent morts de la grippe aviaire. Plus de la moitié des personnes décédées étaient originaires de Jabotabek, selon des données du ministère de la Santé.

"Le virus est hors de contrôle en Indonésie. Cela signifie que la contamination virale de l'environnement est forte", explique Ngurah Mahardika, virologiste de l'université d'Udayana.

L'Indonésie a une coutume de coexistence des volailles et des humains, et cette habitude s'est révélée difficile à changer, souligne Muchtar Ihsan, médecin chargé de la lutte contre la grippe aviaire à l'hôpital Persahabatan de Jakarta.

"Il s'agit d'une tradition pluriséculaire, il est difficile de convaincre la population de sa dangerosité", dit-il.

En Indonésie, les bovins sont maigres et leur viande est chère. Dans ce pays très majoritairement musulman, on consomme peu de porc. Le poulet mélangé au riz frit (le "nasi goreng") est le plat de base.

La décentralisation du pouvoir qui s'est accélérée depuis dix ans complique la situation. Jabotabek s'étale sur trois provinces qui n'appliquent pas de mesures concertées.

"Un quartier peut tenter d'endiguer la grippe aviaire, mais il n'y a pas de garantie que le quartier voisin fasse de même. Par conséquent la grippe aviaire revient toujours", affirme James Fox, expert australien de l'université d'Indonésie.

En Indonésie en en particulier à Jakarta, l'épizootie a pris des proportions incontrôlables, alors que des pays voisins comme la Thaïlande et le Vietnam ont réussi à juguler la propagation du virus.

"La plupart des autres nations ont décidé qu'elles vaccineraient (les volailles), qu'elles les abattraient. Le problème est au niveau vétérinaire", poursuit M. Fox, reprochant aux autorités indonésiennes d'avoir été "dans le déni".

Dans l'immense archipel au système de santé et aux normes phytosanitaires notoirement déficients et sous-financés, le gouvernement a tardé à admettre la propagation du H5N1.

Il a ensuite refusé de suivre les recommandations d'abattage de l'OMS qui préconisait de tuer toutes les bêtes dans un rayon de trois kilomètres autour d'un foyer d'infection. Les marchés animaliers sont par ailleurs restés en place.

Abattre les volailles "n'est désormais plus possible, on ne peut le faire qu'en cas d'épizootie localisée. C'est désormais endémique", conclut James Fox.