Bernard Vallat, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), tire le signal d'alarme sur le défaut de surveillance par les Etats des épidémies d'origine animale.
La crise a-t-elle des conséquences sur la surveillance et la prévention des maladies animales transmissibles à l'homme ?
Malheureusement, oui. Les informations recueillies sont convergentes. On observe un peu partout à travers le monde une décroissance des budgets publics dans les domaines relatifs à la santé animale, à commencer par les ressources affectées à la surveillance et à la détection précoce des maladies des animaux d'élevage ou sauvages. Beaucoup des 172 pays membres de l'OIE envoient des signaux témoignant d'une baisse de la garde vis-à-vis des menaces sanitaires vétérinaires. Nous ne disposons pas encore de chiffres précis, mais la tendance est manifeste, tant dans les pays en voie de développement que dans les pays développés. C'est une situation paradoxale qui va à l'encontre de notre politique : nous ne cessons de plaider pour le développement de réseaux visant, sur le terrain, à la détection la plus rapide possible des émergences et des réémergences d'événements sanitaires dangereux qu'il s'agisse, par exemple, de la grippe aviaire H5N1, de la fièvre aphteuse ou de la fièvre catarrhale ovine.
Il s'agit de s'assurer que les Etats se dotent de législations permettant aux autorités gouvernementales de disposer des moyens nécessaires pour assurer la veille sanitaire et, le moment venu, agir de la manière la plus efficace. Cela passe nécessairement par des actions d'information auprès des éleveurs et une formation continue des vétérinaires de terrain. Il faut aussi établir des liens forts entre d'une part les éleveurs et les vétérinaires de terrain et, d'autre part, la puissance publique représentée par les services vétérinaires.
A quelles fins ?
Les mesures sanitaires nationales et internationales élémentaires seront ainsi respectées au plus vite. Lorsqu'une crise éclate, les pouvoirs publics doivent aussi disposer des moyens législatifs et réglementaires leur permettant de saisir - d'exproprier - les animaux infectés afin de les détruire s'il n'y a pas d'autre solution. Or, c'est loin d'être toujours le cas dans les législations de nos adhérents qui ont souvent des difficultés à y parvenir.
Cette question est, une nouvelle fois, de nature financière puisque l'une des urgences est de pouvoir assurer l'indemnisation rapide des éleveurs sans laquelle aucune veille sanitaire efficace n'est possible. Nous sommes aussi dans ce domaine confrontés à des obstacles conjoncturels, car la tentation est grande de faire des économies sur ces postes budgétaires considérés comme plus ou moins "dormants". Ces menaces concernent particulièrement les "fonds de compensation", provisions destinées, le moment venu, à indemniser les éleveurs. Réduire ces fonds conduit aux plus grandes difficultés quand il s'agit d'aider les éleveurs à accepter la saisie et la destruction de leurs animaux. L'histoire récente de l'épizootie aviaire causée par le virus H5N1 l'a amplement démontré dans plusieurs pays en développement.
De quelle manière ?
Plusieurs des pays encore aux prises avec cette épizootie (Egypte, Indonésie, Chine) sont ceux qui connaissent des difficultés pour mettre en oeuvre de tels fonds de compensation. C'est à regretter car les informations dont nous disposons montrent que les sommes investies dans le domaine d'une bonne gouvernance vétérinaire et d'une surveillance efficace sont d'un montant dérisoire par rapport à celles que réclame la gestion tardive des crises sanitaires animales.