jeudi 4 mars 2010

Les experts de la grippe sur la sellette pour leurs liens avec les laboratoires



L'expertise sanitaire, mise en cause pour ses liens avec les laboratoires pharmaceutiques lors de l'épidémie de grippe H1N1, devrait être mieux encadrée et s'ouvrir à la société civile, selon un débat organisé à l'Assemblée. Le député socialiste Gérard Bapt, président du groupe d'études Santé environnementale de l'Assemblée nationale, avait organisé mercredi à l'Assemblée une audition collective (responsables sanitaires, experts, associations). 


Les experts qui donnent leur avis sur les produits ou les stratégies de santé doivent certes faire une déclaration de "conflit d'intérêts" et préciser les intérêts personnels qu'ils peuvent avoir dans une affaire, notamment leurs liens avec les laboratoires. Le problème c'est que la déclaration n'est pas vérifiée et qu'il n'y a pas de sanction en cas d'omission. Compétence, impartialité, transparence, tous les intervenants se sont accordés sur les principes. "Il y a une stigmatisation injuste des experts", a estimé Jean Marimbert, directeur général de l'Afssaps (agence du médicament), tandis que Bruno Lina, expert notamment sur la grippe H1N1, assurait qu'il y avait toujours "débat contradictoire et avis collégial". Dominique Maraninchi, président de l'Institut du cancer (Inca), a noté "les progrès considérables" apportés par l'expertise, confiée à l'Inca à des spécialistes étrangers et à laquelle participent des associations de malades. 


Une charte de la déontologie de l'expertise à l'étud


 Plusieurs intervenants ont avancé des idées pour encadrer l'expertise. Un travail est en cours sur une charte de la déontologie de l'expertise en santé publique, commune à toutes les agences sanitaires, a précisé le secrétaire général de la Direction générale de la santé, Martial Mettendorf. Jean Marimbert a fait la différence entre "les liens d'intérêt menant à des conflits majeurs" et d'autres ayant "un impact mineur". Un conflit d'intérêts, ce peut être "juste un billet de train payé par un industriel", a renchéri Bruno Lina. Il a suggéré que les experts précisent les sommes reçues pour une activité donnée, car, a-t-il souligné, "donner des déclarations d'intérêt sans qu'il y ait des sommes derrière, ça ne sert à rien". Tous ont estimé qu'il fallait "être intraitable sur le respect des règles". Marc Mortureux, qui dirigera la nouvelle agence regroupant Afssa (aliments) et Afsset (environnement et travail), a indiqué qu'un conseil scientifique serait "le garant de la qualité scientifique de l'expertise et de son indépendance", et que serait créé "un comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts". Il s'est engagé à organiser des débats publics et à ouvrir l'expertise aux sciences humaines. Pour Martin Guespereau, directeur de l'Afsset, l'expertise ne doit pas s'intéresser seulement aux risques "avérés" mais aussi aux "incertitudes", en appliquant le principe de précaution. Il lui faut aussi être ouverte à la société civile, pour poser les bonnes questions. "Si je ne sais pas de quel danger les gens ont peur, je ne peux y répondre", a-t-il souligné. André Cicolella, du Réseau environnement santé, a suggéré de créer une "Haute autorité de l'alerte et de l'expertise", qui définirait les principes et les ferait respecter. "Sans gendarme, le code de la route est un chiffon de papier", a-t-il dit. Bruno Lina a proposé que les experts fournissent des déclarations d'intérêt "contractuelles", où la personne "s'engage et puisse être pénalement poursuivie".