samedi 6 mars 2010

Les experts de la grippe sous le feu de la critique



Lors d’un débat organisé à l’Assemblée nationale, des spécialistes ont préconisé un meilleur encadrement de l’expertise sanitaire et des sanctions pénales en cas de manque d’indépendance.

La France n’en a pas fini avec la grippe A. Alors que l’activité du virus reste depuis neuf semaines largement en dessous du seuil épidémique, la controverse enfle en ce qui concerne la campagne de vaccination française et le rôle des experts, trop liés à l’industrie du médicament selon certains. Actuellement, selon le réseau Sentinelles, les syndromes grippaux confirmés lors d’une consultation chez un généraliste ont une fréquence de 28 cas pour 100 000 habitants. On est bien loin de la pandémie, décrétée au-delà des 149 cas pour 100 000.

Le 24 février dernier, l’Assemblée nationale avait acquiescé à la création d’une commission d’enquête sur la campagne de vaccination de la grippe A (H1N1) lancée à l’automne. Mercredi, c’est une audition collective (responsables sanitaires, experts, associations) qui était organisée dans l’enceinte du Palais Bourbon, à l’initiative du député socialiste Gérard Bapt, président du groupe d’études Santé environnementale. Les débats ont abouti à une conclusion : l’expertise sanitaire, devrait être mieux encadrée et s’ouvrir à la société civile.

Actuellement, les experts qui donnent leur avis sur les produits ou les stratégies de santé, doivent certes faire une déclaration de « conflit d’intérêt » et préciser les intérêts personnels qu’ils peuvent avoir dans une affaire, notamment leurs liens avec les laboratoires. Mais le problème est que la déclaration n’est pas vérifiée et qu’il n’y a pas de sanction en cas d’omission. « Il y a une stigmatisation injuste des experts », a souligné Jean Marimbert, directeur général de l’Afssaps (l’agence du médicament). L’expert de santé Bruno Lina propose que les professionnels fournissent des déclarations d’intérêt « contractuelles », où ils s’engagent, et qu’ils puissent être « pénalement poursuivis » en cas d’omission ou de mensonges.

Plusieurs intervenants ont également avancé des idées pour mieux encadrer l’expertise. Martial Mettendorf, le secrétaire général de la Direction générale de la santé, a ainsi indiqué qu’une charte de la déontologie de l’expertise en santé publique, commune à toutes les agences sanitaires, était en chantier. Marc Mortureux, qui dirigera la nouvelle agence regroupant Afssa (aliments) et Afsset (environnement et travail), a révélé qu’un conseil scientifique serait « le garant de la qualité scientifique de l’expertise et de son indépendance », et que serait créé « un comité de déontologie et de prévention des conflits d’intérêt ». Il s’est engagé à organiser des débats publics et à ouvrir l’expertise aux sciences humaines.

Une « haute autorité de l’alerte et de l’expertise »

Pour Martin Guespereau, directeur de l’Afsset, l’expertise ne doit pas s’intéresser seulement aux risques « avérés » mais aussi aux « incertitudes », en appliquant le principe de précaution. Il lui faut aussi être ouverte à la société civile, pour poser les bonnes questions. « Si je ne sais pas de quel danger les gens ont peur, je ne peux y répondre », a-t-il souligné.

Enfin, André Cicolella, du Réseau environnement santé, a, quant à lui, suggéré de créer une « haute autorité de l’alerte et de l’expertise », qui définirait les principes et les ferait respecter. « Sans gendarme, le Code de la route est un chiffon de papier », a-t-il résumé.