dimanche 7 mars 2010

Grippe A en France : Une facture qui dépasse le milliard



Alors que la pandémie est terminée, l’heure est aux comptes. Achat des vaccins et des masques, location des gymnases, campagne de pub... La France a-t-elle trop dépensé ?

L’heure des comptes a sonné. Alors que l’opposition tire à boulets rouges sur le gouvernement, deux commissions d’enquêtes parlementaires entament leurs travaux sur la gestion de l’épidémie de grippe A (H1N1). La chambre sociale de la Cour des comptes vient aussi de lancer son propre audit. Toujours stoïque face aux critiques et persuadée de ne pas avoir failli, Roselyne Bachelot devra s’expliquer. Le directeur général de la Santé, Didier Houssin, devait quant à lui être auditionné dès cette semaine par les sénateurs mais, pour des questions d’agenda, le rendez- vous a été reporté de quelques jours. Ce qui laisse un délai supplémentaire pour argumenter au ministère de la Santé, occupé à centraliser des chiffres éparpillés dans différents services administratifs. La mission est d’autant plus complexe que l’exercice est inédit.

"C’est un exercice dont on sort toujours perdant", dit Roselyne Bachelot

La France s’est mise en ordre de bataille pour une véritable guerre contre un virus qui devait frapper la population et faire perdre plusieurs points de PIB à l’économie nationale. A l’aune du bilan, les moyens déployés ont-ils été disproportionnés ? La grippe A a fait 302 victimes en France… bien moins qu’une vulgaire grippe saisonnière. Pour esquisser un premier bilan de la grippe A, Le Journal du Dimanche a mis à jour les chiffres disponibles et les a additionnés. La facture, incomplète, s’élève déjà à plus d’un milliard d’euros. La Caisse nationale d’assurance-maladie ignore combien cette épidémie a généré d’arrêts maladie ou de prescriptions médicales supplémentaires. La prise en charge dans les hôpitaux des cas graves n’a pas encore été chiffrée et ne le sera peut-être jamais tant l’opération est complexe, aux dires de plusieurs experts. Les fiches de paie des personnels médicaux et paramédicaux, venus faire des piqûres à la chaîne, n’ont pas encore été établies. "Nous avons commencé à payer les internes, les élèves infirmiers et à rembourser les frais de transports des étudiants à la fin du mois de décembre. Les autres personnels devront encore attendre, peut-être pour certains jusqu’au mois de juin", indique-t-on au ministère de la Santé. Les règles de l’administration sont si complexes que les différents ministères peinent à décider qui doit régler les factures. Cette "débauche de moyens", qui dépasse déjà le milliard d’euros, a une justification politique. Le gouvernement a choisi de sortir l’artillerie lourde, privilégiant une campagne de vaccination massive. L’Elysée, le ministère de la Santé, Matignon et Bercy ont toujours considéré que la santé des Français n’avait pas de prix. Les dirigeants, traumatisés par les crises sanitaires françaises à répétition - sang contaminé, hormones de croissance, vache folle et, plus récemment, canicule -, n’avaient pas l’intention de prendre le moindre risque.

Seulement 7 % de la population a accepté de se faire vacciner

"Aujourd’hui on me reproche d’en faire trop, se plaît à répéter Roselyne Bachelot. Mais au début, les mêmes me reprochaient de ne pas en faire assez. C’est un exercice dont on sort toujours perdant." Raymond Soubie, le conseiller social du président de la République, n’est pas étranger à cette religion du principe de précaution maximal. Si des divergences se font jour au sein du gouvernement, elles concernent l’organisation logistique de la crise. En juin dernier, Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur nouvellement nommé, a voulu avoir la haute main sur le pilotage de tous les centres de vaccination. L’organisation jacobine qui excluait les médecins de ville de la chaîne a montré ses limites : seulement 7 % de la population a accepté de se faire vacciner. Autant que le coût financier, c’est la défiance dont ont fait preuve les Français à l’égard de leurs dirigeants qui doit inquiéter aujourd’hui.
Anne-Laure Barret et Marie-Christine Tabet - Le Journal du Dimanche